Les lumières et les sirènes étaient assourdissantes. Elle avait encore du mal à se rendre compte de ce qu'il s'était passé. Elle avait fait une chute à cheval et c'était retrouvée à plat ventre. Elle s'était pris un coup violent au niveau du ventre vu qu'elle était atterrie sur une pierre. Mais bon, à part une douleur vive, ça allait. Et puis une vingtaine de minutes plus tard, des crampes terribles l'avaient prise et une ambulance étaient arrivée très vite. Prise en charge, ils avaient peur de dommages internes à cause de la violence de la chute. Elle fut donc mise sous intra-veineuse et emmenée d'urgence à Burlington. La douleur était insupportable, elle n'arrêtait pas de bouger pour essayer de la faire baisser tandis que les paramédics lui firent une injection, sûrement un truc pour stopper la douleur. Elle serrait les dents, pas le choix, le temps que cela fasse effet. Tout ce qu'elle voulait, c'était pouvoir passer un coup de fil. Elle voulait appeler Nate et elle le dit de nombreuses fois aux ambulanciers. Ils lui promirent qu'arrivé à l'hôpital, elle pourrait ou ils s'en occuperaient personnellement. Il le lui promit, ce qui la calma légèrement. Une fois arrivée, elle put téléphoner, elle laissa un court message sur le répondeur de son homme, il devait être en cours. Sa voix n'était clairement pas comme d'habitude, elle souffrait. Elle tenta de le rassurer en lui disant qu'elle était à l'hôpital, mais que ça allait. Évidemment. C'était Casey.

Dès son arrivée à l'hôpital, elle fut emmenée en salle d'examen tandis que la douleur reculait enfin un peu. Tandis qu'elle était examinée, l'ambulancier tint parole et appela l'université comme demandé pour faire passer un message à Nate. Une des secrétaires vint personnellement déranger Nate en plein cours pour lui dire que Casey venait d'être hospitalisée… Quant à Casey, ils trouvèrent vite ce qui n'allait pas. Rupture de la rate, partielle dans le meilleur des cas, c'était difficile à voir avec l'hémorragie que cela avait causé. Elle n'eut pas vraiment le temps de comprendre ce qu'il se passait qu'elle était emmenée au bloc opératoire et sous anesthésie générale. L'opération dura environ deux heures et elle fut ensuite emmenée en salle de réveil. À vrai dire, elle n'avait pas vraiment eu le temps d'avoir peur, un peu dans l'ambulance… mais après sa prise en charge, elle n'avait presque rien vu. Les examens avaient été rapide et puis elle avait été mise sous anesthésie générale. Elle ne savait même pas ce qui se passerait ensuite, mais elle s'en inquiéterait une fois réveillée. Sous oxygène en salle de réveil, les infirmières voulaient faire remonter sa saturation. Ses yeux papillonnèrent un instant avant de s'ouvrir doucement. Elle était clairement encore à moitié dans le cirage, mais elle était éveillée. Et en tournant légèrement la tête pour voir où elle était, elle vit une infirmière s'approcher et lui poser plusieurs questions avant de prendre des mesures. Sa saturation était remontée et les données vitales étaient bonnes, elle fut donc autorisée à changer de salle. Enfin, elle ne bougerait pas. Quelqu'un n'allait pas tarder à venir la chercher pour l'emmener dans une chambre. Elle avait demandé où était Nate, mais n'avait pas vraiment eu de réponses.

Après une petite demi-heure, elle fut enfin déplacée et emmenée dans une chambre. Elle sourit en découvrant Nate qui avait l'air de l'attendre… et pas vraiment patiemment. Une fois installée dans la chambre et les quelques règles annoncées par les infirmières, elles partirent enfin et elle tendit la main vers Nate. Elle était sans aucun doute très pâle et n'avait pas l'air très en forme, mais les infirmières lui avaient dit que la chirurgie s'était bien passée et qu'un médecin viendrait la voir assez rapidement pour lui expliquer le tout. Elle ne savait toujours pas trop ce qui s'était passé à vrai dire. Enfin ça avait un rapport avec sa rate, mais bon. "Ils ont réussi à te joindre, je suis contente." Entre les restes de l'anesthésie et le bordel anti-douleur qu'il lui avait injecté dans les veines, elle était encore à moitié dans les vappes, mais elle était ravie de voir ce visage qu'elle aimait tant.

Une journée banale, comme tant d’autres, même si Nate se trouvait encore à faire cours à l’université alors que le mois de juillet venait tout juste de commencer. L’un des rares qu’il avait accepté de prendre, d’ailleurs, pour pouvoir profiter de l’été avec sa fille et Casey sans avoir à jongler entre sa vie personnelle et son travail. C’était bien l’une des premières fois de sa carrière qu’il levait le pied, qu’il refusait poliment des heures et des responsabilités afin de privilégier la vie en dehors de l’université. Et puis, sa réputation n’était plus à faire. Nate était un professeur sérieux, mais aussi prêt à beaucoup pour sa famille. Même à sacrifier un peu de son ambition pour ne pas se tuer à la tâche pour rattraper les heures que certains considéraient perdues lorsqu’il préférait sa fille ou Casey aux mille engagements et contrats qu’il aurait pu signer. Et qu’il aurait signé si elles n’avaient pas été là. Jamais il ne ferait l’erreur de les délaisser, au risque de les perdre, pour un compte en banque plus fourni – alors qu’il n’en avait pas besoin – ou des médailles vaines qu’on ne gagnait qu’en flattant les hauts placés. Jamais. Et si ça faisait de lui un « petit professeur » comme certains chercheurs qualifiaient ceux qui se contentaient de ce qu’ils avaient, soit. Rendre sa famille heureuse et lui offrir une belle vie était tout ce qui comptait à présent. Contrairement à ces réceptions d’hypocrites quand il s‘agissait de congratuler le dernier vieux sage qui prenait tout le monde de haut. De toute façon, Nate n’était plus dans les petits papiers de ceux-là. Parce que, même s’il avait agi de façon honorable en défendant Casey ouvertement et en accusant un collègue, il avait tout de même contribuer à ébruiter une histoire pas très réjouissante et donc à faire parler de l’université sur un sujet que la conseil d’administration aurait préféré taire. C’était le jeu, apparemment. Et Nate avait autant perdu que gagné à celui-ci.

Puis la banalité sembla en avoir assez de cette journée puis la quitta, pour laisser place à un petit chaos. Sans grande discrétion, une secrétaire de l’université fit irruption dans le tout petit amphi où Nate enseignait à un groupe d’étudiants peu nombreux – qui s’engageaient dans des cours en juillet, de toute façon – et lança la bombe qui bouleversa tout le petit monde du brun. Quoi ? Casey était arrivée à Burlington en ambulance ? A l’hôpital ? Panique totale. Si on venait le chercher en plein milieu d’un cours, ça ne pouvait pas être pour une simple entorse ou une histoire bidon du genre pour vous faire peur sans raison. Ni une ni deux, Nate annonça aux personnes présentes qu’il devait s’absenter et que l’heure serait reprogrammée. Comme celle qui suivait d’ailleurs. En quelques secondes, ses affaires étaient rangées, la secrétaire était remerciée et il était prêt à sortir. Par chance, l’hôpital se trouvait juste à côté de l’université, si bien qu’il y fut en à peine quelques minutes. Une rapidité qui ne lui servit à rien, puisqu’on lui annonça à son arrivée que Casey venait d’être envoyée au bloc pour une opération et qu’il ne lui restait plus qu’à attendre. Comble de l’ironie, on refusa de lui donner plus d’informations. Pas de la famille. Génial. On l’invita gentiment à patienter dans un coin, sur des sièges inconfortables où tout semblait être encore plus une torture. Quelques minutes. A regarder autour de lui. Espérant que chaque personne qui s’approchait était là pour lui donner des nouvelles. Mais rien. Au bout d’un moment, il finit par sortir son téléphone. Joyce. Il faudrait que quelqu’un aille la chercher dans quelques heures. Et Nate ne savait pas combien de temps il allait rester coincé là. De toute façon, il ne laisserait pas Casey seule quoi qu’il arrive, qu’elle sorte maintenant ou dans dix heures. Non, pas dix heures. Ça ne pouvait pas être si grave. Bref. Il fallait appeler Hesther pour lui demander de se libérer. Et là, il vit l’appel manqué. Il écouta le message. Il s’enfonça un peu plus dans le siège d’une qualité douteuse. Il passa sa main libre sur son visage, le triturant comme si cela changerait quelque chose. Il sentit une de ses jambes s’animer comme tous les stressés alors qu’ils étaient assis. Non. C’est pas possible. Une demi-heure. Levé. Assis. Le regard impatient. Une heure. Même rengaine. Une heure et demi. Même rengaine. Toujours rien. Cent pas. Mille pas. Nate devait être à bien plus. Et puis, soudain, l’alarme de rappel se mit à retentir dans son esprit. Joyce ! Oh mince, le coup de fil à Hesther… Il décida d’aller prendre l’air pour le passer, juste quelques minutes tout au plus.

Le message était passé. Il avait pris l’air pour ne pas devenir fou. Alors il entra, à nouveau. Et se retrouva face à une sorte de kiosque vendant plein de bêtises. Ça passerait le temps, qu’il se dit, convaincu de ne rien y trouver à son goût pour le réveil de Casey. Erreur. Il remonta bien vite avec sa trouvaille et fut ravi – tant bien que possible au vu de la situation – d’apprendre à peine quelques minutes plus tard que la jeune femme était sortie du bloc et se réveillerait d’un instant à l’autre. On l’emmena donc dans ce qui serait sa chambre pour son séjour à l’hôpital, au moins quelques jours s’il avait bien compris le discours qu’on lui avait servi, et il s’assit. Encore. Il fallait attendre. Encore. Soupir. L’attente était affreusement longue. Puis il entendit du bruit. La porte s’ouvrit et voilà qu’elle apparaissait. Sans réfléchir, Nate posa la peluche (un petit chat, rien de bien original, mais il s’était dit qu’il lui rappellerait Wheezy un petit peu) qu’il avait achetée un peu plus tôt sur la petite table et se leva. Mon Dieu, elle avait l’air tellement mal. Alors qu’il s’installa aux côtés de la jeune femme, lui tenant la main, et l’observait d’un air inquiet, il tenta tant bien que mal d’écouter ce que les infirmières disaient. Sans grand succès. Elles ne lui apprenaient rien de nouveau de toute façon, et c’était évident que Casey devrait les appeler en cas de besoin. Pourquoi les embêter avec ces remarques inutiles ? Stop. Inutile qu’elles paient son impatience, d’autant que Casey était enfin sous ses yeux. Et apparemment, ça allait. Ils se retrouvèrent vite que tous les deux. Casey réussit à formuler quelques mots, mais sans sa vivacité d’esprit habituelle. Sans cet éclat dans la voix, dans le regard, ce qui n’arrangea pas l’inquiétude du professeur. Il restait là, sans un mot, à la regarder en se demandant ce qu’il pourrait faire pour améliorer la situation. Mais il ne trouvait rien. Absolument rien. Alors il serra un peu plus sa main, se baissa légèrement en l’approchant de ses lèvres pour l’embrasser et y laisser le contact de son visage. Parce qu’il n’osait rien faire d’autre, de peur de lui faire mal. « Ne me fais plus jamais ça Casey. » Pas un reproche, oh non. Une supplication. De ne plus jamais lui faire une telle frayeur. Une supplication murmurée, la seule chose qu’il était capable de faire le temps que la pression retombe.

La journée avait pourtant si bien commencé et voilà qu'elle se retrouvait à l'hôpital, entourée par des infirmières et à moitié défoncée. Casey, comme la plupart des gens, aucun doute sur ce point, n'aimait pas spécialement les hôpitaux. Elle y était plus ou moins habituée, elle y avait passé pas mal de temps étant petit, suite à la brûlure qu'elle avait eue sur la cuisse, brûlure au troisième degré qui avait demandé beaucoup de soins et puis plusieurs interventions pour que la greffe tienne bien. Mais même en y étant un peu habituée, elle n'aimait pas spécialement y être. Surtout que dans le fond, elle venait de sortir de la salle d'opération et elle ne savait pas vraiment bien ce qui s'était passé. Certes, avant de la mettre sous anesthésique, on lui avait fait signer un consentement… elle savait qu'elle allait finir avec une nouvelle cicatrice et que c'était la rate. Elle avait une vague idée de son emplacement à cause des douleurs ressenties, mais c'était à peu près tout. À vrai dire, elle ne savait même pas vraiment à quoi servait la rate… et ils avaient parlé d'ablation partielle ou complète, elle se demandait un peu ce que ça allait donner. Enfin… elle allait se le demander, une fois que les drogues seraient un peu éliminées de son système. Pour le moment, les pensées peinaient à s'accrocher et elle avait l'impression que sa cervelle était toute molle.

Elle fut soulagée quand on lui annonça qu'elle allait être déplacée et elle espérait que Nate soit dans les parages, elle avait envie de le voir et surtout de s'assurer qu'il était bien au courant. Certes, elle lui avait laissé un court message, mais elle ne lui avait pas dit grand-chose et peut-être que lui, il était au courant de ce qui s'était passé, avec plus de détails. Elle ne put que sourire quand elle le vit, il l'attendait dans la chambre qui serait la sienne. Il y avait trois lits, mais pour le moment, ils seraient tout seul. Elle avait une couverture médicale depuis que l'Obama Care était passée, mais rien qui n'implique une chambre privée. Elle voyait bien qu'il avait l'air inquiet et elle pouvait le comprendre même si elle n'avait aucune idée du temps qu'il avait dû attendre ou du fait qu'il n'avait eu aucune information sur son état ou sur ce qu'il se passait… Il resta longuement sans dire un mot, ce qui n'était pas très étonnant pour le jeune homme. Il serrait sa main et elle se sentait un peu mieux grâce à cette présence rassurante auprès d'elle. Quand il se pencha pour l'embrasser tendrement et qu'il resta dans cette position pour garder ce contact, elle ferma les yeux et sourit un peu plus. Elle rouvrit les yeux quand il ouvrit la bouche. Ne plus jamais lui faire ça. Oh, ça n'avait clairement pas été prévu… mais elle sentait à sa voix que ce n'était en aucun cas un reproche, il avait eu peur…

Elle leva sa main libre pour caresser son visage. "J'ai eu peur aussi." Elle profita encore du contact qui lui faisait tant de bien. "Je sais pas trop ce qui s'est passé. J'ai fait une chute à cheval, mais ça allait et puis soudain, j'ai eu des douleurs horribles. Et puis la suite, ça a été trop vite… Ambulance, des examens rapides et puis paf au bloc et je dormais." Elle ferma les yeux pour remettre ses idées en place. "Et mon cerveau est en lévitation… Mais le docteur devrait bientôt venir pour expliquer, je sais juste que c'est la rate. Et que je vais avoir une nouvelle cicatrice…" Ce qui la fit pouffer de rire, réaction bizarre. "Je vais finir par ressembler au monstre de Frankenstein." Bon c'était clairement la référence idiote qui l'avait fait pouffer. "En tout cas, ils sont bien leur truc, je sens rien du tout pour l'instant." L'infirmière de la salle de réveil l'avait avertie qu'il y aurait des douleurs quand les drogues feraient moins effet, elle n'avait pas vraiment hâte… "T'as des infos, toi ? Tu as pas trop dû attendre longtemps ou si ?" Elle n'avait aucune espèce d'idée de combien de temps tout cela avait duré.

L’angoisse était insupportable. Nate avait l’impression d’avoir attendu des dizaines d’heure, alors qu’il n’avait même pas eu à attendre trois heures dans cet hôpital de malheur. Heureusement, d’ailleurs, ou il serait devenu fou et aurait fini par faire une scène à n’importe qui puisque personne ne daignait lui donner la moindre information. Pas de la famille. Pas de la famille. La bonne blague. Parce qu’ils préféreraient parler aux parents de Casey qu’elle ne voulait plus voir ? Quelle règle stupide. Mais une règle que Nate avait acceptée pour ne pas rendre la situation encore plus compliquée. Inutile de s’énerver. Il n’y avait que l’attente et l’espoir d’avoir des nouvelles rapidement. Ce qui arriva lorsque Casey reparut dans un lit médicalisé après s’être remise de l’opération tranquillement. Soulagement, enfin. Sauf que ce n’était que pour apporter d’autres inquiétudes. La voir ainsi, fatiguée et branchée de partout. Ou avec des… trucs qui servaient pour s’assurer que tout allait bien. Pour ce que Nate en savait… Tant qu’il pouvait la voir, lui parler et s’assurer que tout allait véritablement bien, le reste ne lui importait pas. Certainement pas ce teint pâle, ces yeux fatigués ou tous ces éléments médicaux. Il resta à ses côtés, silencieux, serrant sa main pour la réconforter elle autant que lui. Pour lui signifier qu’il était là et qu’elle n’avait plus à s’inquiéter. Enfin, c’était plutôt lui qui s’inquiétait entre eux deux, ce qui se ressentit dans ses paroles. Une promesse qu’elle devait lui faire de ne plus lui faire ce genre de frayeur, comme si elle en avait eu le contrôle…

Sa main libre sur son visage eut pour effet de le calmer immédiatement. Oh, pas totalement, mais au moins un peu pour qu’il ne soit plus dans cet état d’angoisse paralysante que l’attente lui avait valu. Puis Casey lui expliqua ce qu’il s’était passé. En partie, du moins, puisqu’il n’eut que des informations fragmentées qu’il avait du mal à suivre. Mais l’essentiel était là. Une chute à cheval, au refuge il supposait comme elle devait s’y rendre aujourd’hui, puis la douleur, l’ambulance, les examens… Au fond, peut-être était-il mieux que Nate n’ait pas été témoin de tout ça. Se retrouver devant le fait accompli lui avait épargné bien des angoisses, même s’il y en avait tout de même eu. Nate s’installa de nouveau à ses côtés, alors que le récit continuait. Assis, à la regarder et à l’écouter. A apprendre qu’il s’agissait de la rate et qu’il y aurait encore des cicatrices. Puis ce léger rire. Qui le fit sourire à son tour, alors qu’elle évoqua le monstre de Frankenstein. Tant mieux si elle le prenait comme ça. Alors le professeur approcha sa main libre du visage de la jeune femme et la laissa caresser sa joue. « Sa fiancée tu veux dire, elle est bien plus jolie. » Qu’il ajouta, dans un trait d’humour pas forcément très drôle, mais autant entrer dans son jeu pour éviter de tourner dans le larmoyant.

Tant mieux si elle se sentait assez bien pour le moment, même si elle devait se sentir oppressée avec ce qui l’entourait. Et vaseuse avec l’anesthésie qui s’estompait encore un peu avant de laisser place à la réalité et aux douleurs. Et Nate n’avait pas hâte de voir ça et de se sentir impuissant face à son mal être. Il secoua la tête lorsqu’elle lui demanda des informations. Non. Il ne savait rien. Et, finalement, il n’avait pas attendu si longtemps. « Ils ont rien voulu me dire. » Maudits médecins. « Tu m’apprends tout à vrai dire. Ils ont dû te l’enlever ? » La rate. A vrai dire, Nate n’avait aucune idée de l’utilité de cette organe. Était-ce grave ? Il espérait que non. On lui aurait dit sinon, pas vrai ? « J’ai dû attendre un peu moins de trois heures je pense. » Entre l’opération, le temps en salle de réveil… Oui, quelque chose dans le genre. Et puis, il pouvait bien exagérer d’une petite (ou bonne) demi-heure, ça ne ferait pas de mal. « On est venu me chercher en plein milieu d’un cours... » Et ce n’était pas un reproche, mais une façon de lui faire comprendre qu’il avait imaginé le pire. Il regardait un peu autour de lui à présent, pour que la jeune femme ne remarque pas trop d’anxiété dans ses yeux, et comprit qu’ils ne seraient pas tranquilles encore bien longtemps. « Je vais demander que tu sois transférée dans une chambre privée. Je m’occupe de tout. » Bien sûr, qu’il s’occuperait de tout. C’était l’occasion parfaite de jouer au petit chef. Mais c’était aussi une façon de lui dire qu’elle n’avait pas à s’inquiéter, et qu’il prendrait en charge tous les frais.

Les effets de l'anesthésie commençait lentement à s'éloigner et elle arrivait de plus en plus à penser de façon claire, ce qui la rassurait un peu. Elle avait senti l'angoisse de son compagnon lorsqu'il la supplia de lui promettre de ne plus lui faire cela. Si elle avait pu, elle l'aurait faite cette promesse. Alors à la place, elle passa doucement une main sur son visage pour le rassurer et commencer à lui expliquer ce qu'il s'était passé. Pour le moment, c'était encore un peu flou dans son esprit. Oh elle savait qu'elle avait souffert le martyr dans cette fichue ambulance, mais après… tout avait été tellement vite qu'elle s'était retrouvée sous anesthésie générale avant d'avoir pu dire ouf. Elle aurait encore un ou des cicatrices, elle ne savait pas trop, ce qui la fit rire sur le moment et se comparer au monstre de Frankenstein. Nate caressa à son tour sa joue et puis lui fit remarquer que ce serait plus sa fiancée, bien plus jolie. Elle lui sourit. Tout simplement. Elle était vraiment heureuse qu'il soit là pour son réveil, enfin dans cette chambre à l'attendre, cela diminuait grandement son stress. Et puis pour le moment, elle ne sentait pas grand-chose, elle savait que ça allait changer dans pas si longtemps vu que les médicaments cesseraient de faire effet, mais bon, ils ne pouvaient rien y faire.

Elle voulut en savoir un peu plus… était-il plus au courant qu'elle ? Et avait-il attendu longtemps… elle espérait que non. Mais n'ayant aucune notion du temps qui avait passé depuis la chute à cheval, c'était difficile de le dire. Elle serra un peu plus sa main en apprenant qu'ils n'avaient absolument rien voulu lui dire et elle haussa les épaules à sa question. "Je sais pas trop. Un bout au moins, je pense." Il avait dû attendre si longtemps… ce n'était donc pas une toute petite opération. Enfin elle s'en doutait depuis qu'elle avait vu les tubes qui sortaient de sous sa couverture… et le fait qu'elle avait un tube dans le nez et une intra-veineuse sur la main… enfin, elle n'avait sûrement pas l'air très en forme. Elle grimaça doucement, quelqu'un était venu l'interrompre au milieu d'un cours. Il avait dû se mettre à paniquer dès ce moment-là. "J'ai harcelé les ambulanciers depuis le refuge et jusqu'à l'hôpital pour qu'ils te contactent… Et vu que j'avais juste réussi à te laisser un message, je leur ai dit que tu étais prof à l'université… je suis contente qu'ils aient fait ce que je leur ai demandé !" Tenant toujours sa main, elle la serra à nouveau un peu plus fort. "Je suis désolée pour la grosse frayeur…" Et ceci, même si elle n'y pouvait rien.

Et puis soudain, il annonça qu'il allait se débrouiller pour qu'elle soit transférée en chambre privée et qu'il s'occuperait de tout. Elle ne put que sourire tendrement en l'observant. Il avait vraiment eu peur pour elle, elle le voyait bien, elle le lisait plutôt bien. "Peut-être que je vais pas rester longtemps ici…" Elle l'espérait vraiment, mais son petit doigt lui disait qu'elle allait devoir prendre son mal en patience ! Et puis la porte s'ouvrit après deux petits coups brefs frappés contre la porte. Un médecin fit son entrée. Casey serra plus fort la main de son homme, un peu effrayée. Après avoir pris quelques constantes et affirmé que tout s'était passé au mieux, pour l'opération, il leur expliqua ce qu'il s'était passé. Suite au choc violent reçu, la rate de Casey s'était percée, ce qui avait impliqué une hémorragie interne. Durant l'opération, ils avaient pu sauver une partie et elle n'avait donc eu qu'une ablation partielle de cet organe. Ça ne lui disait pas grand-chose à vrai dire. Il lui annonça également qu'elle allait devoir rester une bonne semaine à l'hôpital, ce qui la fit grimacer. Nate n'allait sûrement pas être ravi non plus. La sonde gastrique pourrait être retirée le lendemain si tout se passait bien. Elle serait surveillée de près. La rate ayant un rôle important dans la filtration du sang et au niveau de l'immunité, elle allait devoir prendre des antibiotiques durant un an environ après sa sortie de l'hôpital et ne pas louper certains vaccins, afin de ne courir aucun risque. Casey pensa que ce n'était donc définitivement pas un petit truc. Ça allait impacter légèrement sa vie. Et puis après s'être assuré qu'il n'y avait pas de questions et que tout allait bien, le docteur quitta la pièce.

Casey soupira. "J'ai pas très envie de rester là une semaine… c'est nul." Elle avait une moue boudeuse aux lèvres. En plus, elle n'aimait pas du tout dormir sans Nate, elle dormait mal en général. Levant la tête, elle vit l'horloge au mur et l'heure. Elle fronça légèrement les sourcils et après un instant de réflexion, elle se remit à parler. "Tu devais pas aller chercher ta princesse aujourd'hui ?" Et puis la porte s'ouvrit et une patiente fut emmenée à l'autre bout de la chambre, le rideau fut fermé autour d'elle. Et bien, ils n'étaient plus seuls, mais la dame avait l'air de dormir, au moins ça.

L’angoisse s’estompait à mesure que Nate intégrait que sa compagne ne risquait plus rien. Certes, cela prenait du temps, mais son séjour à l’hôpital commençait à sembler bien moins effrayant maintenant qu’il pouvait serrer la main de Casey dans la sienne. Oh, il aurait aimé pouvoir la serrer toute entière contre lui, mais ce n’était pas possible. Disons plutôt que ce n’était pas préférable, avec l’opération qu’elle venait de vivre et tous les tuyaux qui l’entouraient. En aucun cas il ne voudrait empirer la situation et entraîner des complications uniquement parce qu’il n’avait pas pu retenir un élan de romantisme. Ou d’égoïsme charnel. Bref. La plaisanterie sur le monstre de Frankenstein les amusa un instant, quelque chose dont ils avaient besoin et caractérisait parfaitement leur complicité. Un sourire. Un léger rire. C’était tout ce qu’il fallait pour chasser de leurs esprits les inquiétudes et préoccupations. Puis il fallait bien revenir au coeur de la situation. Alors Nate expliqua qu’il n’avait eu aucune information jusqu’à ses quelques mots qui lui avaient donné les grandes lignes de l’histoire. Une chute de cheval, puis direction les urgences à cause de bonnes grosses douleurs. Le schéma classique. Mais, pour une fois, Nate ne chercha pas un coupable à blâmer. C’était arrivé, c’était regrettable, c’était ainsi. Pourquoi en vouloir au refuge alors que, il en était certain, toutes les précautions avaient été prises. Enfin, ils auraient l’occasion d’en reparler. Mais pas maintenant.

Le problème avait donc été la rate, et vraisemblablement l’ablation de celle-ci. Ou une partie, comme Casey semblait penser. Ils verraient bien, une fois que le médecin passerait. En espérant qu’il accepte de parler devant Nate, cette fois-ci. Mais ce moment-là n’était pas encore arrivé, il était temps de lui expliquer comment il avait été informé. Pas pour la faire culpabiliser, mais pour qu’elle comprenne sa panique soudaine. Puis le brun eut l’impression qu’elle se sentait dans l’obligation de s’expliquer. Non. Jamais. Elle avait bien fait, de réclamer qu’on l’informe. Malgré l’horreur que tout cela avait engendré. « T’inquiète pas. » répliqua-t-il dans un sourire qui se voulait sincère et rassurant. « Ça va mieux maintenant. » Et même beaucoup mieux. La panique semblait déjà oubliée alors qu’il avait l’occasion de serrer sans cesse la main de sa compagne comme par peur de la voir se dérober s’il osait la s’en éloigner une simple seconde. C’est alors qu’il eut l’idée de lui demander une chambre privée, pour qu’elle soit plus tranquille et que lui puisse passer son temps avec elle sans avoir à se soucier des autres qui les rejoindraient sans tarder. Nate sourit à sa remarque. Lui aussi espérait qu’elle n’aurait pas à passer trop de temps à l’hôpital, mais il fallait se rendre à l’évidence… Vu son état, elle en avait au moins pour quelques jours. Il s’apprêtait d’ailleurs à partager ses espoirs alors que quelqu’un frappa avant d’entrer. Le médecin débarqua, s’occupa de Casey et les informa de la situation. Bon point, il n’avait pas demandé au professeur de sortir. Puis le verdict tomba : une semaine. Elle devrait rester une semaine. Et peut-être même plus ! Nate tenta de cacher sa déception, pour ne pas attrister davantage Casey, mais il n’en restait pas moins touché. S’imaginer vivre une semaine, voire plus, seul dans la maison lui semblait inimaginable. Déprimant. « Je viendrai te voir tous les jours. » Qu’il sortit immédiatement, sentant que l’idée commençait à lui peser plus que sa moue boudeuse pouvait laisser entendre. « Et ils vont sans doute apporter les affaires que tu avais en arrivant aux urgences, tu pourras m’envoyer des messages si besoin. » Qu’en était-il des règles d’utilisation du téléphone portable dans les hôpitaux, d’ailleurs ?

Puis Casey grimaça en regardant l’heure. Etait-elle surprise du temps passé ? Eh bien, Nate eut son explication. « Si, mais j’ai demandé à sa mère d’aller la chercher. » A contre-coeur, mais sa compagne passait en priorité aujourd’hui. « Je ne savais pas combien de temps il faudrait que j’attende alors je l’ai appelée. » Alors qu’il répondait, une nouvelle patiente rejoignit la chambre et se retrouva à l’autre bout. Elle semblait être en plein sommeil, ou peut-être tout simplement assommée par les anti-douleurs. Quoi qu’il arrive, Nate ne se sentait plus aussi à l’aise dans cette chambre. Pas envie de la réveiller, de la déranger, qu’elle entende ce qu’ils se disaient… « Tu veux que j’aille demander maintenant pour la chambre privée ? Si t’en as pour une semaine, ce sera plus confortable. » Qu’il surenchérit, ne sachant si elle était vraiment d’accord puisqu’il n’avait pas eu de réponse la dernière fois. Et puis, mince, ce n’était pas très délicat de lui rappeler ainsi qu’elle aurait à rester plusieurs jours ici, Nate !

Elle était un peu attristée qu'il n'ait pas pu avoir d'informations sur son état avant qu'elle ne les lui dévoile maintenant. Mais en y pensant, c'était assez logique, il fallait être de la famille pour avoir droit aux informations. Et même s'ils vivaient ensemble et que pour elle, il était sa famille, ce n'était pas le cas légalement. Se mettant à sa place, elle aurait complètement paniqué… De plus, il avait été dérangé en plein cours, ce qui impliquait une certaine gravité et c'était le cas. Elle n'avait pas passé sur le billard pour rien, ça avait été une urgence car une lésion trop importante de la rate impliquait une grosse hémorragie et pouvait se terminer en infection, c'était à peu près tout ce qu'elle avait retenu à vrai dire. Elle expliqua le pourquoi du comment… elle avait littéralement harcelé les ambulanciers jusqu'à ce que l'un deux lui promettent de faire passer le message à son compagnon et il l'avait fait. Si elle recroisait cet homme, elle le remercierait ! Elle lui sourit tendrement et caressa sa main dans un mouvement régulier de ses doigts. Elle fut étonnée et sourit un peu plus largement quand il proposa de voir pour qu'elle puisse avoir une chambre privée, mais ça ne l'étonnait pas vraiment… c'était Nate, il était toujours adorable et plein d'attention pour elle. Mais elle préférait attendre, parce que si elle ne passait qu'une suit ici, cela ne servait à rien ! Bon, il fallait avouer que vu le nombre de tubes qui sortaient d'elle, il y avait peu de chance qu'elle ne reste ici qu'une nuit ! Elle préférait pourtant ne pas trop y penser tant qu'elle n'avait pas eu confirmation de devoir rester ici plusieurs jours.

Et puis le médecin débarqua pour leur donner des nouvelles. Il ne demanda pas à Nate de partir, il avait sûrement vu la connexion qui existait, du moins, elle aimait penser que c'était pour cela. Elle soupira, une semaine à l'hôpital, c'était vraiment trop nul. Mais les nouvelles la rassura tout de même, tout s'était bien passé durant l'opération. Ils allaient devoir surveiller l'évolution évidemment et puis il y aurait un suivi par la suite. L'idée de devoir manger des médicaments pendant un an ne la motivait pas non plus tellement, mais bon, elle n'aurait pas le choix. Une fois le médecin partit, elle bouda légèrement. Nate lui promit de venir tous les jours et vu qu'ils allaient lui rendre ses affaires, elle pourrait le texter, ce qui la fit sourire doucement. "Je vais te harceler, tu vas en avoir marre de moi…" Et puis en remarquant l'heure, elle pensa au fait que Nate devait aller chercher sa fille aujourd'hui. Il d dû appeler Hesther pour qu'il s'occupe de leur fille. Elle se doutait que ce téléphone n'avait pas dû être facile. Lui qui rêvait un peu de ne jamais se séparer de Joyce, il avait dû renoncer à aujourd'hui. Et ça la rendait triste, même si égoïstement, elle était heureuse et soulagée qu'il soit là.

Elle leva les yeux en voyant la porte s'ouvrir et voilà une nouvelle patiente, qui semblait dormir d'ailleurs. Nate parla à nouveau de la chambre privée, avançant que ce serait plus confortable si elle devait rester aussi longtemps. Elle se mordit légèrement la lèvre et puis hocha la tête. "Oui, je crois que ça serait bien… et puis peut-être qu'on pourra demander un lit et tu pourras dormir une fois avec moi… ou alors on se serrera dans celui-ci… une fois qu'on m'aura retiré tout ce bordel !" Elle sourit doucement. Pas le choix de prendre les choses avec le sourire, elle n'avait aucun choix quoi qu'il arrive. "Je te ferais une liste de ce que tu pourras me ramener demain si tu veux bien." Elle grimaça légèrement et porta une main sur son côté droit. Ça avait l'air de commencer à se réveiller, la douleur était encore légère, elle tiendrait le coup. Et puis les infirmières lui redonneraient sûrement quelque chose avant le début de la nuit. "Ca va être trop ennuyeux, mais bon ! J'te promets que je serais sage et que je suivrais bien toutes les indications médicales." Forcément, elle se doutait que Nate était toujours inquiet et qu'il le serait encore pendant quelques temps. Elle connaissait son homme, évidemment. Elle lui sourit et l'attira un peu. "Je peux avoir un baiser ?" Elle l'embrassa tendrement. "Voyons le bon côté des choses… mon contrat se terminait dans quelques jours et puis je vais pouvoir rattraper mon retour de lecture…" Malgré tout, elle ne put que grimacer légèrement. Qui aimais passer du temps dans les hôpitaux ? Sûrement personne. "Tu devrais quand même aller chercher Joyce ce soir, et profiter d'un peu de temps rien que vous deux." Elle caressa doucement sa joue. "Ca va me faire bizarre de dormir toute seule, mais ça va passer vite j'espère."

Les nouvelles étaient bonnes, même s’ils avaient eu la mauvaise surprise d’apprendre entre autres que la jeune femme en aurait pour au moins une semaine dans cet hôpital. La déception pouvait se voir chez chacun d’entre eux, malgré la retenue qu’ils avaient. Surtout Nate, à vrai dire, mais cela avait peu d’importance. Les faits étaient là. Casey devrait rester plusieurs jours loin de la maison et personne ne s’en réjouissait. Le brun s’était donc empressé d’ajouter, dès que possible, qu’il passerait régulièrement la voir au fil des journées. Du matin au soir, s’il le pouvait. Et pourquoi pas passer une nuit ou deux en demandant un lit d’appoint ? Pour être honnête, il aurait été capable d’y passer toutes les nuits s’il n’avait pas des obligations au travail mais aussi auprès de sa fille qui lui demandaient un sommeil décent. Oh, mince… Il y avait Wheezy aussi… Eh bien, il avait eu raison. Avoir un animal de compagnie n’était qu’un handicap au quotidien ! Heureusement, Casey le rappela à la réalité et l’empêcha de pester contre ce chaton en réagissant à ses paroles. Lui ? En avoir marre d’elle ? Il ne put que laisser échapper un léger rire. Qu’est-ce qu’elle pouvait être adorable. Jamais elle ne serait capable de le harceler assez pour le rendre fou. Jamais. Ce serait plutôt l’inverse, pour tout dire, avec Nate qui ne cesserait de lui poser mille questions pour s’assurer qu’elle allait bien et qu’elle n’avait pas besoin de quoi que ce soit. Parce qu’il serait prêt à faire l’aller et retour en pleine nuit si elle le lui demandait.

Puis ils ne furent plus seuls dans la chambre, alors le professeur réitéra sa proposition. Une autre chambre, où elle serait seule. Tranquille. Pour son sommeil, mais aussi pour les visites ou tout autre moment de la journée. Casey sembla d’ailleurs avoir la même idée que lui, pour les nuits à l’hôpital, mais Nate n’eut pas le coeur de lui dire que ce serait sans doute compliqué à mettre en place. Hors de question de laisser Wheezy seul si longtemps, et encore moins de laisser le voisin s’en approcher ou Joyce le ramener chez Fynn. Ugh. Rien que cette idée lui donnait la nausée. Alors il se contenta d’un « On verra » aussi convaincant que possible et laissa glisser la conversation sur autre chose. La liste des choses qu’il faudrait qu’il lui ramène, c’était bien ça. Sauf qu’il n’eut même pas le temps de réagir et d’aller chercher de quoi lui permettre de prendre des notes qu’elle exprima une première gêne, une première douleur. Lui serrant la main un peu plus fort, il ne put s’empêcher d’ajouter « Tu veux que j’appelle une infirmière ? » Mais oui, bien sûr Nate, appelons une infirmière à chaque douleur. La pauvre classerait Casey (ou Nate) sur le podium des pires patients. « J’espère bien si tu veux pas te retrouver ici une semaine de plus ! » Ce qui serait aussi dramatique pour elle que pour lui. A vrai dire, il n’avait pas encore réalisé l’impact de cette semaine sans la jeune femme à la maison. Un salon vide. Une cuisine vide. Un jardin vide. Une chambre vide. Un lit vide. Après tout, la présence de Wheezy lui serait peut-être salvatrice !

A sa demande, Nate s’approcha et l’embrassa. Délicatement. Et mince ! Son boulot… Il était prêt pour des allers et retours entre l’hôpital et la librairie, maintenant. Histoire de les informer en personne, de donner divers documents. Il y aurait sans doute des choses à signer, ce qu’il ne pouvait bien évidemment pas faire pour Casey. La plaie. Bref. « Je t’apporterai même ton crochet si tu veux. Tu pourras peut-être faire un concours avec les petites vieilles que j’ai vu dans le couloir en t’attendant... » Petite plaisanterie juste pour la faire rire, rien d’autre. C’était donc dans un large sourire qu’il avait sorti ça avant de se rappeler le papier et le crayon dont elle avait besoin pour sa fameuse liste. Presque dans un sursaut, il se leva alors avant d’oublier et prit ses affaires pour lui donner de quoi prendre des notes. « Tiens, écris ce que tu veux pour demain. » Puis il s’installa à nouveau à ses côtés, se demandant si cela serait une bonne idée d’avoir Joyce avec lui pour la fin de journée. Il aurait l’esprit ailleurs… Ou peut-être était-ce justement ce dont il avait besoin ? « Je verrai. » Après, quand i serait parti. Pensée qui l’assommait légèrement. Comme l’idée de dormir seul. « Ça va aller, tu verras. » Et que dire de lui qui passerait ses nuits dans un grand lit froid ? Sourire esquissé. Il fallait convaincre Casey que tout irait bien, et cela commençait par le penser lui-même. Heureusement qu’elle posait sa main sur sa joue pour lui faire oublier cette froideur. Pourtant, Nate finit par se lever. « Je vais demander pour la chambre. » Qu’il reprit, d’un air déterminé, avant de poser ses lèvres sur le front de la jeune femme et d’ajouter un dernier « Tu ne bouges pas... » plein d’humour pas très délicat avec un sourire conscient de la blague limite puis sortit.

Les minutes étaient passées sans qu’il ne s’en rende compte. Enfin, pas autant que quelques heures auparavant. Mais, victoire ! Il avait réussi à décrocher une chambre privée, et apparemment précieuse, dans cet hôpital. Sans attendre, il rejoignit la chambre de Casey qui avait une nouvelle voisine et lui annonça la nouvelle. « Ils vont venir pour te déménager. » Et l’attente ne fut pas longue puisque, à peine avait-il terminé sa phrase qu’on frappa à la porte et que le tout commença. La jeune femme fut installée dans un coin bien plus calme, et en prime ses affaires étaient arrivées. Nate remercia le personnel avait de trouver place aux côtés de sa compagne et de replacer la peluche fraîchement achetée sur la table. « Je voulais compléter ta collection mais il n’y avait pas de pingouin... » Première chose à rapporter, donc. Une peluche de sa collection personnelle pour lui remonter le moral. Oserait-il revenir avec la grande qui trônait dans la chambre de Joyce ?

Casey détestait l'idée de passer autant de temps dans cet hôpital. Une semaine minimum, c'était long. Très long. Surtout qu'elle peinait à dormir seule maintenant qu'elle était si habituée à la présence rassurante et tendre de Nate… Malgré tout, il fallait prendre les choses du bon côté, l'opération s'était bien passée, il y avait une ablation partielle et non totale. Elle se disait que c'était sûrement mieux, même si elle ne savait pas du tout si elle était dans le juste ou pas sur ce coup-là. Et puis Nate était près d'elle. Il lui promit de suite qu'il viendrait tous les jours et cela la fit sourire légèrement. Elle n'en avait aucun doute, il passerait même plusieurs fois s'il le pouvait, elle en était presque sûre. Il était encore inquiet, elle le lisait dans ses yeux sombres. Plaisantant, elle affirma qu'il en aurait marre d'elle, une fois qu'elle aurait commencé à le harceler, lui… il était sûr que non. À vrai dire, elle était sûre que non également… par contre, elle ne se doutait pas encore à quel point il serait surprotecteur. Un peu, elle le savait. Mais elle se rendrait vite compte qu'elle en a en fait aucune idée.

Quand des infirmières amenèrent une nouvelle patiente dans la chambre, Nate proposa à nouveau de prendre une chambre privée pour elle et il fallait bien dire que c'était tentant. Elle accepta donc. Sachant très bien qu'ils seraient tous les deux bien plus à l'aise d'être tranquille pour passer un moment. Et puis, à vrai dire, suivant l'état des autres patients dans cette chambre commune, elle pourrait au moins dormir d'un meilleur sommeil s'il n'y avait pas milles bip bip de machine ou de gémissements de douleurs. Elle espérait un peu qu'il puisse passer une nuit au moins avec elle, ici, mais ses mots ne furent pas totalement convaincants. Il pensait sûrement à sa fille, à son boulot, au chaton qui vivait maintenant avec eux. Elle secoua doucement la tête quand il proposa d'appeler une infirmière, il avait tout de suite vu qu'elle avait eu une petite montée de douleurs et même si elle n'avait pas serré sa main, il l'aurait sans doute vu dans ses yeux. Sachant qu'il s'inquiétait encore, elle lui fit la promesse de suivre toutes les indications médicales et sa réaction la fit lever les yeux au ciel et sourire. Soudain, elle se dit qu'il s'assurerait personnellement qu'elle obéisse formellement aux médecins. "Hors de question ! Une semaine, c'est bien assez." Elle allait lui faire une liste de ce qu'il devait lui ramener, ce serait le plus logique. Elle sourit, attendrie, quand il pensa de lui-même à son crochet. Ça serait une idée… elle aurait du temps devant elle. "C'est pas une mauvaise idée, je vais peut-être démarrer un club de crochet ici !" Et elle rit. Ça lui fit soudainement penser à un article lu il y a quelques mois sur un type de crochet particulier, la fabrication de sortes de pieuvres trop adorable pour les nouveaux-nés prématurés. Ça pourrait être une idée. Elle allait faire des recherches.

Elle attrappa le bloc note et le stylo qu'il lui tendit et approcha la tablette pour y écrire ce dont elle avait besoin. Elle l'encouragea également à aller récupérer sa fille… celle-ci pourrait lui changer un peu les idées, il en avait sûrement besoin. "Elle te changerait les idées." Elle lui sourit tendrement après avoir caressé sa joue et hocha la tête. Oui. Ça allait aller. Il se leva à nouveau pour aller voir pour la chambre, elle acquiesça à cette annonce et puis lui tira la langue en souriant. Où voulait-il qu'elle aille ? Comme si elle pouvait bouger. Elle profita de ce moment pour finaliser la liste, qui était plutôt longue. Elle releva vaguement la tête quand la porte s'ouvrit à nouveau pour laisser entrer une nouvelle patiente. Elle croisa les doigts pour que l'hôpital ait une chambre privée libre et se reconcentra sur sa liste. Ça serait assez facile pour Nate de tout trouver, elle était assez organisée. Tous les trucs de crochets étaient rangés dans une boîte appelée crochet. Son ordinateur était sur le bureau, ne pas oublier les câbles et le casque audio. Les livres étaient tous dans la bibliothèque, elle nota les titres qu'elle voulait récupérer. Des vêtements, évidemment dont des sous-vêtements et des trucs confos qu'elle portait pour traîner à la maison. Et puis son dernier carnet ainsi qu'un vierge, elle risquait d'arriver vite au bout de celui-ci si elle s'ennuyait, ce qui serait sûrement le cas. Enfin, elle allait certainement pas mal dormir au début… elle se sentait déjà fatiguée alors qu'elle venait de se réveiller de l'anesthésie, mais bon logique.

Nate revint un moment après avec une bonne nouvelle, une chambre était libre. Elle sourit et puis une équipe frappa à la porte quelques secondes après son annonce pour la déplacer. Elle fut donc emmenée à l'autre bout de l'étage et fut installée dans une chambre privée, bien plus jolie d'ailleurs. Enfin, ça restait une chambre d'hôpital, mais c'était cosy. Ce qu'elle avait sur elle en arrivant était là également, plié dans un sac transparent. Il n'y avait pas grand-chose, juste ses vêtements et un petit sac, contenant son téléphone, les clés de la maison et son agenda. Pour une fois, elle avait pris le strict minimum et pas un sac à la Mary Poppins. Ses yeux s'illuminèrent quand elle découvrit enfin la peluche qu'il lui avait achetée et elle rit à sa remarque. "Elle est trop adorable. Elle me tiendra compagnie !" Elle l'attira à elle pour un nouveau baiser. Et puis elle remua légèrement le nez. "Vivement qu'ils me retirent ce truc d'ailleurs." Mais elle souriait. Elle reprit la liste pour y ajouter une chose mais s'arrêta le stylo en l'air. Un sourire amusé sur les lèvres, elle l'observa. "Tu me laisserais ta chemise ?" Un rire lui échappa. "Oui, oui, celle que tu portes…" Une infirmière entra à ce moment-là, ce qui fit rougir Casey, rouge qui ressortait bien sur son visage pâle… L'infirmière vint se présenter et puis lui donna un médicament pour la douleur pour la nuit, médicament qu'elle suspendit avec le reste du bordel sur la pole qui était à côté de son lit et allait directement dans ses veines. Elle lui demanda également de ne pas hésiter à sonner si elle avait besoin de quelque chose et puis s'éclipsa.  

Malheureusement, ils ne furent pas seuls dans la chambre bien longtemps. Une autre patiente les rejoignit sans tarder et fit éclater ce petit cocon d’intimité qu’ils avaient réussi à créer dans un coin de la pièce. C’était là l’occasion parfaite de proposer à nouveau une chambre privée à Casey qui accepta enfin, et ajoutait que ce serait bien plus pratique ainsi s’il souhaitait y passer une nuit en sa compagnie. Évidemment. Sauf que Nate n’était pas emballé par l’idée. Enfin, il aurait été prêt à dormir toutes les nuits et à passer toutes les minutes de son temps avec elle, mais avec tout ce qu’il avait à gérer, ce serait sans nul doute compliqué. Et c’était un crève-cœur, parce qu’il n’aurait aucune envie de quitter la jeune femme à la fin de cette journée, comme toutes celles qui suivraient. Par chance, façon de parler, il fut extrait de ces pensées alors que la jeune femme sembla faire l’expérience de douleurs. Ce qui l’inquiéta, bien sûr, mais elle balaya sa proposition d’un signe de tête et lui assura qu’elle ferait tout ce qu’on lui demanderait pour se soigner au mieux. Et là, le Nate surprotecteur – étouffant – se réveilla pour lui faire comprendre qu’elle avait plutôt intérêt si elle ne souhaitait pas allonger son temps à l’hôpital. Est-ce qu’il la bassinerait à chaque fois qu’il viendrait pour savoir si elle avait pris tous ses médicaments ? Si elle se reposait assez ? Certainement. Et ce serait encore pire quand elle serait chez eux en convalescence. Alors, le brun pouvait bien supporter les yeux au ciel qu’il observa dans sa réaction. D’autant qu’ils laissèrent rapidement place à un sourire qu’il appréciait plus que tout alors qu’il avait plaisanté sur sa passion pour le crochet. Un hobby de grand-mère selon lui, mais son avis ne comptait que peu à ce sujet.

Puis Nate lui tendit de quoi noter ce dont elle aurait besoin – ou envie – pour la suite de son petit séjour à l’hôpital. Un peu de lecture, il imaginait, de quoi lui occuper l’esprit et faire passer le temps… Ce dont il aurait d’ailleurs lui aussi besoin, et ce fut pourquoi Casey insistait pour qu’il se décide à aller chercher sa fille pour la fin de journée. Histoire qu’il ne soit pas seul à la maison et se retrouve à ressasser l’enchaînement d’événements de l’après-midi. Elle lui changerait les idées, certainement. Alors il sourit, se disant qu’il devait se laisser convaincre par la sagesse de la jeune femme et sa douceur. Puis, après avoir essayé de la rassurer, il décida qu’il était temps de partir en quête de cette fameuse chambre privée. Avant qu’elle ne soit toute occupée, par exemple. Une petite plaisanterie, une langue enfantine et voilà un nouveau chapitre prêt à être écrit dans cet hôpital. Le professeur revint avec une excellente nouvelle et ils furent rapidement transférés dans une chambre simple où ils pourraient discuter sans gêner les autres et sans être gênés eux-mêmes si jamais certains sujets sortaient. Et puis, même, Nate était pudique en public alors il n’aurait pas apprécié avoir à faire avec des paires d’yeux sur eux sans cesse. Une fois seuls, il s’installa à nouveau aux côtés de Casey et remit en place la fameuse peluche qui était un peu passée à la trappe avec tout ça. Sa réaction fut adorable, comme à chaque fois. C’était d’ailleurs peut-être juste pour ce bref instant d’émerveillement qu’il l’avait choisie, mais aussi pour lui tenir compagnie. Elle avait bien compris. Se penchant à sa demande, il lui rendit son baiser de remerciement et s’amusa de son geste suivant. « Le médecin a dit que ce serait demain, ça va pas durer longtemps. » Qu’il répondit rapidement, dans un sourire bienveillant pour répondre au sien. C’est alors qu’elle se rappela de sa liste et sembla décidée à rajouter quelque chose avant de le regarder étrangement. Pourquoi se mettait-elle à sourire ainsi subitement en le regardant ? Sa chemise ? Il fronça les sourcils. Maintenant ? Celles qu’il avait sur lui ? Elle avait dû remarquer son incompréhension puisqu’elle lui confirma sa demande. Un sourire aussi amusé qu’elle se dessina sur son visage alors qu’il comprit la demande et ce qu’elle sous-entendait. « Casey... » Qu’il lâcha, secouant la tête, avant de rire légèrement. Mais il n’eut pas le temps de dire un mot de plus qu’on les dérangea, pour son plus grand bonheur. Celui de voir la jeune femme rougir instantanément alors qu’elle était presque prise sur le fait par une infirmière. Nate se retenait de rire à nouveau pour ne pas gêner la jeune femme davantage, même si ce n’était pas l’envie qui manquait. Il se contenta de l’observer avec un sourire en coin, pour s’assurer qu’elle garde ses couleurs (où était passée l’envie de ne pas la gêner?) puis reprit lorsque l’infirmière quitta la chambre. « Je suis venu directement de l’université, j’ai encore des affaires à aller chercher là-bas avant de rentrer. » Et donc il ne tenait pas à y retourner avec une simple veste sur lui. Pour quoi le prendrait-on ? « Mais tu peux avoir ma veste si tu veux... » Qu’il ajouta sans trop tarder pour qu’elle ne soit pas déçue. Il en profita pour jeter un coup d’oeil sur sa liste qui lui semblait bien longue. « Tu sais, je plaisantais quand je disais qu’ils te déménageaient dans cette chambre... » On aurait dit qu’elle comptait rester ici pour des mois avec tout ce qu’il y avait. Bon, d’accord, il exagérait. Comme toujours. « T’es sûre que tu auras le temps de lire tous ces livres ? » A vrai dire, Nate pensait surtout à la valise lourde et énorme qu’il aurait à traîner dans l’hôpital… Mais bon, si ça pouvait faire plaisir à Casey, c’était l’essentiel.