Walking in the Snow

Alec & Kat (COUNTRYSIDE | Jan 2019)

Plus d’un mois. Ça faisait déjà plus d’un mois que Kat était de retour à Redwood Hills et son métabolisme avait fini par accepter les températures glaciales du Vermont. Il fallait dire qu’ils étaient gâtés en plus cette année avec des minimales battant tous les records. La chaleur du Costa Rica semblait si lointaine… Heureusement que son petit boulot, sa famille et ses diverses activités lui permettaient de ne pas trop y penser. Sinon, elle serait sans nul doute déjà dans un avion pour une toute nouvelle aventure. Costa Rica ou autre. En cette fin de matinée, elle avait décidé de partir se promener aux alentours de Redwood Hills. Une petite ballade, rien de bien méchant. Avec ce temps-là, mieux valait ne pas partir seule en randonnée. Les risques étaient trop grands. Kat était une randonneuse expérimentée mais… avec ces températures et cette neige qui n’en faisaient qu’à sa tête, une simple ballade était la meilleure option.

Couverte autant qu’elle le pouvait pour ne pas risquer l’hypothermie, Kat finit par sortir de la demeure familiale qu’elle squattait encore pour sortir de la petite ville. Par chance, il ne fallait pas s’aventurer très loin pour en atteindre les limites et trouver quelques sentiers intéressants. Ça lui rappelait tellement de choses. Des souvenirs lointains et si proches à la fois. Elle revoyait tant d’images défiler devant elle à mesure qu’elle avançait. Seule. Dans la quiétude de la campagne américaine. C’était son petit bonheur, rien qu’à elle. Étrange pour une fille qui parlait tant, bougeait tant mais… elle avait besoin de cette nature pour se ressourcer, se retrouver. Loin de la foule et du bruit. Là, elle se revoyait avec ses parents pendant une sortie automnale. Un éclat de rire lui revenait aux oreilles. Le parfum de sa mère. Rien à voir avec le paysage qu’elle avait sous les yeux, si blanc, éclatant. Presque aveuglant. Elle continua sa marche, sans se rendre compte que la poche défectueuse de son manteau venait d’abandonner lâchement ses clés. Sans bruit. Forcément, dans cette neige abondante.

Ce ne fut que quelques instants plus tard, lorsqu’elle glissa ses mains dans ses poches qu’elle se rendit compte d’un manque. D’une absence. Mince, les clés… Elle soupira légèrement avant de se résigner à rebrousser chemin. Elle finirait bien par les trouver, il lui suffisait de suivre ses traces. Elle s’activa alors, dans l’espoir de poser ses yeux dessus rapidement. Puis, elle se trouva en face d’une silhouette, celle d’un homme ayant vraisemblablement eu la même idée qu’elle pour traîner dans le coin. Sans attendre, elle l’interpella. « Excusez-moi… Vous n’auriez pas vu un trousseau de clés par hasard sur votre chemin ? Le porte-clé est multicolore, on peut pas le rater... » Elle tenta un sourire amical pour accompagner sa demande, sourire qui était caché dans son écharpe. Dommage. Enfin, on disait bien que les sourires se voyaient aussi dans les regards, non ?

Partir seule ainsi en vadrouille dans la nature, c’était le type même de Kat. Bon, d’accord, c’était loin des aventures qu’elle avait vécues aux quatre coins de la terre. Ce n’était que la campagne du Vermont. Pourtant, ça restait une sortie à préparer et à prendre au sérieux. La jeune femme s’était donc couverte du mieux qu’elle pouvait pour ne pas avoir à subir les températures du nord des États-Unis. D’autant qu’ils vivaient une totale chute des températures depuis quelques jours. C’était donc avec la panoplie parfaite de la randonneuse d’hiver que Kat avait pris la route et vadrouillait dans les chemins enneigés de Redwood Hills et ses alentours. Se retrouver seule était agréable, ne pas avoir à faire la conversation à tout prix. Elle aimait parler, certes, mais elle aimait aussi le silence et la quiétude. L’aventurière avait besoin de se ressourcer, régulièrement, dans la nature.

Elle profitait donc de se marche pour se retrouver avec elle-même. Et retrouver des souvenirs au fil de ses pas. Des souvenirs de famille, de très bons souvenirs. Ce qui l’attachait à ce coin perdu et sans intérêt, en apparence. Parce qu’à bien y chercher, on pouvait y trouver des petites perles. Rien que cette vue, là, sur les fermes recouvertes d’un épais manteau blanc. Comment ne pas s’émerveiller ? Kat avançait dans tout ce que la nature pouvait offrir de plus beau, avant de se rendre compte que quelque chose lui manquait. Une main dans la poche de son manteau. Pas de clés. Comment ça, pas de clés ? Par chance, la jeune femme n’était pas du genre à s’énerver pour des contrariétés du genre. C’était arrivé, tant pis. Il fallait accepter et passer à autre chose. En l’occurrence, partir en quête de ce trousseau avant qu’il ne se perde dans la neige pour de bon. Après un léger soupir, elle fit demi-tour et entama le chemin en sens inverse. Impossible de les manquer en fonctionnant ainsi.

Au bout d’un court moment, elle se retrouva en face d’une silhouette. Celle d’un homme qui avait eu la même idée qu’elle en se baladant sous ce temps. Tout naturellement, elle l’avait donc interrogé sur ses clés. À voir sa tête, il était évident qu’il n’avait aucune idée de ce dont elle parlait. Et ses paroles lui confirmèrent. Mince. Ça aurait été beaucoup plus simple si l’inconnu était tombé dessus. Avait-elle une idée d’où elle les avait perdues ? Absolument pas, ou elle ne serait pas à lui parler. « Non, justement, aucune idée. Je les avais en partant de chez moi et je viens de me rendre compte que c’est plus le cas. » Ce qui laissait un bon bout de chemin à parcourir. « Mais merci quand même, je vais continuer à regarder. Je finirai bien par les trouver ! » Un optimisme à toute épreuve. Bon, il fallait dire que le désagrément n’était pas non plus si important. Dans le pire des cas, elle ferait refaire des clés et le problème serait réglé. Même si ça l’embêtait de savoir ses clés dans les mains d’on-ne-savait-qui.

Ces balades avaient quelque chose de revigorant. Une sorte de retour aux sources, loin du bitume et des habitations. Une sortie qui lui rappellerait pourquoi elle avait fait le choix de rester dans ce coin du Vermont un peu perdu alors qu’elle était habituée à l’aventure dans des environnements bien différents. Et pourtant, la voilà en pleine promenade dans la campagne enneigée, profitant des paysages blancs magnifiques. La neige. Elle aurait presque pu l’oublier après tous ces mois passés au Costa Rica. La retrouver était une sorte de… soulagement ? C’était ça, la maison. Peut-être commençait-elle à en avoir vraiment besoin. Mais elle fut arrachée de cette quiétude par la découverte de l’absence de ses clés. Introuvables dans sa poche. Mince. N’ayant plus qu’à rebrousser chemin pour les retrouver, elle avait entrepris de faire marche arrière jusqu’à tomber sur son porte-clés. Impossible de le manquer, avec toutes les couleurs dessus. Et pourtant, rien. Elle avançait. Toujours rien. C’est alors qu’elle se trouva face à un homme ayant sans doute eu l’envie de faire une balade, comme elle. Ou juste de se poser sur un rocher pour gribouiller sur son bloc-notes. Qui sait ? Et puis, ça ne l’intéressait guère, s’il n’avait pas trouvé ses clés.

Manque de chance, il n’avait rien vu qui pourrait l’aider. Tant pis, elle continuerait son chemin après l’avoir remercié. Politesse d’une Miller, comme toujours. Pourtant, il sembla vouloir lui donner un coup de main. Pas tellement convaincant au départ, avec son mouvement d’épaules, mais il ferma son bloc-notes et le rangea. Sa remarque suivante, en se levant, la surprit. Les fesses bien refroidies ? Ne me dites pas qu’elle était tombée sur un gros lourd… Elle fronça alors les sourcils, mais comprit, lorsqu’il fit un signe de tête. Parce qu’il était assis, oui, forcément. Elle sourit alors, soulagée de ne pas avoir à le renvoyer balader. « Pourquoi pas, merci ! » Il n’avait pas tort, à deux, ce serait bien plus efficace. Et moins contraignant. Ils pourraient discuter au lieu de se contenter de fixer le sol et la neige en espérant y découvrir une pointe de couleurs originale. « Et si ça peut vous aider à ne pas finir congeler... » répondit-elle en souriant, finalement. Kat n’était pas la dernière à apprécier un peu d’humour et de légèreté, il tombait plutôt bien. « Je vous dérange pas j’espère, vous faisiez quelque chose… ? » Son bloc-notes. Elle l’avait interpellé en plein ouvrage. De quoi ? Aucune idée. Mais elle semblait bien plus curieuse qu’à son arrivée à ses côtés. Puis ce fut la petite révélation. La politesse Miller n’avait pas été respectée. « Au fait, je me suis pas présentée ! » Mais elle allait y remédier sans attendre. « Je m’appelle Kat. » finit-elle par dire en souriant à nouveau. Comme d’habitude, pour mettre les autres en confiance.

Perdre ses clés en pleine balade dans la neige, il n'y avait bien que Kat pour ça. Qu'est-ce qu'elle pouvait être maladroite et tête en l'air quand elle s'y mettait... Par chance, elle n'était pas la seule à avoir eu envie d'une promenade dans la blancheur des paysages ce jour-là. Moins de chance, le jeune homme n'avait rien vu pour l'aider. Mince. Ça aurait été trop beau. Trop facile. Sans perdre le sourire, la jeune femme avait donc décidé de reprendre sa route lorsqu'on lui proposa de l'aide. Un sourire, à sa remarque, et voilà qu'ils se lançaient sur le chemin inverse. Elle ne le dérangeait pas, tant mieux. De toute façon, il ne lui aurait pas proposé s'il n'avait pas souhaité prendre un peu de temps pour une inconnue. Des dessins du paysage. Wow. Kat avait toujours envié ces artistes qui pouvaient coucher sur papier leur imagination. Elle, elle devait se contenter des photographies. « Et vous dessinez bien ? » Question stupide et sans bonne réponse. S'il disait non, elle le prendrait pour trop modeste. S'il disait oui, elle le prendrait pour trop arrogant. Qu'il la surprenne alors, en trouvant une parade à ce piège qu'elle lui tendait inconsciemment. « C'est vrai que le Vermont est très beau, encore plus avec toute cette neige. Je prends quelques photos moi, comme je ne sais pas dessiner ! » Qu'elle termina dans un sourire.

Non, non. Elle ne se baladait pas. Elle attendait juste que le temps passe. Heureusement qu'elle n'était pas d'humeur à le taquiner, ou il aurait eu droit à la remarque. « Oui, j'aime bien me retrouver dans la nature, qu'importe le temps. À vrai dire il n'y a que là que je me sens vraiment moi-même. J'adore les gens, et j'adore parler aussi – si vous ne l'aviez pas encore remarqué – mais la quiétude, le calme absolu de ces endroits... J'adore ! » Tout sourire à ces remarques, surtout sur sa tendance à monopoliser la parole. Il finirait par le comprendre sur le chemin. Alec, finirait par le comprendre. Elle lui sourit à nouveau. Il était sympa ce Alec, pour le moment en tout cas. « Oui je suis du coin. Enfin... oui, je suis du coin ! » Qu'elle ponctua d'un rire. « Ça dépend si vous parlez de mon magnifique bronzage sinon... » Parce qu'elle y avait droit, parfois, à cette question. Elle venait de Redwood Hills, oui. Mais d'où venait-elle vraiment ? Combien de fois avait-elle entendu ce genre de question... ? Trop. Si bien qu'elle finissait par douter à chaque fois quand venait le moment des présentations. Heureusement qu'elle ne le prenait pas mal. Pas tout le temps, du moins. « J'ai beaucoup voyagé ces dernières années donc j'ai pas trop traîné dans le coin dernièrement. » Une raison possible pour expliquer qu'ils ne se connaissent pas dans ce coin perdu où tout le monde connaissait tout le monde. « Et vous ? » Peut-être que c'était lui qui ne venait pas d'ici.

Les voilà tous les deux à la recherche de ces fameuses clés que la jeune femme avait perdues quelque part sur son parcours. Quelque part, ce n’était pas bien précis et là résidait tout le problème. Pourtant, ça ne faisait pas peur à Kat qui aimait se retrouver en extérieur et, pas chance, elle n’était pas seule dans ses recherches puisqu’un jeune homme se proposa pour l’aider. Un dessinateur, apparemment, qui lui montra son bloc-notes pour qu’elle puisse découvrir son talent. « Ah oui, c’est super joli ! » La brune, elle, n’était pas douée en dessin, à sa grande déception comme elle adorait représenter les splendeurs de la planète. « Et vous dessinez depuis longtemps ? » Question un peu bête, mais elle avait le mérite de faire la conversation avec Alec qui ne semblait pas être un grand bavard. Et au fond, Kat adorait en apprendre plus sur les autres, leur histoire, leurs passions… C’était donc l’occasion d’en savoir un peu plus sur cet inconnu qui lui filait un coup de main. Et aussi de se dévoiler légèrement, à travers son goût pour la photographie. Est-ce qu’elle prenait de belles photos ? « J’espère ! » Qu’elle répondit gaiement. Bon, elle ne se voyait pas grande photographe, et bien moins douée que lui avec ses crayons, mais elle était en général satisfaite du résultat. « J’ai pas pris mon appareil aujourd’hui, mais je le regrette maintenant que je vois tous ces beaux paysages. Il y a une belle lumière en plus ! » Détail indispensable pour tout photographe qui se respectait.

Le calme, un point commun qu’ils avaient apparemment. Pas étonnant pour deux personnes qui se baladaient seules sous ce temps. Non pas qu’il était désagréable, mais il rebutait un certain nombre de personnes. Trop fileuses. La jeune femme tenta une plaisanterie à la question d’Alec, qui la prit avec un sourire. Parfait. Elle n’était pas tombée sur un de ces racistes comme il en traînait dans le coin. Normal, puisqu’il s’était proposé de l’aider si rapidement. « C’est vrai que l’absence de la casquette rouge à la Trump aurait dû me mettre la puce à l’oreille ! » Lâcha-t-elle dans un autre rire. Ugh, ces casquettes et les regards de travers qu’elle avait dû (et devait encore parfois) endurer… Bref, pourquoi y penser ? « Chicago ! J’y suis jamais allée, mais c’est bien différent de la petite ville de Redwood Hills ! » Totalement. Sauf, peut-être, le climat ? « Ça ne fait pas trop bizarre de se retrouver dans un coin si perdu maintenant ? » Cette quiétude pouvait autant être un atout qu’un inconvénient. Et si Kat s’y plaisait pour le moment, attendez quelques semaines ou mois qu’elle finisse par avoir besoin de plus de vie.

Ils continuèrent à marcher quand le jeune homme pointa du doigt un objet dissimulé dans la neige fraîche. Un éclair d’espoir traversa le regard de la jeune femme. Oh, mince, ce n’était qu’une peluche. Mais la remarque d’Alec la fit sourire. C’était vrai qu’elle pourrait la réconforter, un peu, mais était-ce vraiment une bonne idée de la garder ? Pas sûr. « On ferait peut-être mieux de la laisser là, bien en évidence, au cas où sa propriétaire parte à sa recherche comme moi. » Elle imaginait déjà une famille refaire leur chemin de balade pour retrouver la peluche peut-être très importante pour un enfant. « Ça me ferait mal au coeur de voir une petite fille tout triste parce qu’elle n’a pas retrouvé sa peluche. » Bon, elle ne la verrait pas, mais le jeune homme comprendrait l’idée. Hors de question qu’elle se console avec la propriété de quelqu’un d’autre. Même si elle appréciait le geste.