Under Pressure

Casey & Nate (Chez eux | Début Avril 2019)

La neige fondait. Le printemps arrivait. Et avec ça, le rappel de leur première rencontre. Enfin, la deuxième première rencontre. Ces retrouvailles à Burlington qui avaient été le point de départ d’un renouveau. De courte durée, certes, mais un point de départ pour qu’une plus belle histoire commence quelques mois plus tard. Nate n’était pas du genre à célébrer ces événements, encore moins aujourd’hui alors que le mois d’avril était aussi empli de bons souvenirs que de mauvais, mais sa volonté de faire plaisir à Casey l’emportait sur tout le reste. Comme cette Saint Valentin qu’il avait voulu inoubliable puisqu’elle marquait aussi le jour de son emménagement chez lui. Chez eux. Le couple l’avait d’ailleurs quitté, ce chez eux, pour passer une soirée dehors. Sans surprise, c’était à Burlington qu’ils s’étaient retrouvés pour une soirée en amoureux. On ne pouvait pas aller à New York tous les jours. Un restaurant. Un arrêt obligatoire au club qui les avait rassemblés. Puis Nate l’aurait bien emmenée sur les bords du lac, profiter de la lumière lunaire et des paysages magnifiques qu’offraient le Vermont à cette saison avant de rentrer dans leur cocon, mais il avait eu l’impression qu’une errance nocturne n’était pas la meilleure idée ce soir-là. Tout d’abord parce que, malgré l’arrivée des beaux jours, il faisait encore bien froid dès que le soleil disparaissait. Mais aussi parce que la jeune femme avait été un peu trop silencieuse. Un peu ailleurs. Légèrement. Rien d’alarmant, à vrai dire, mais le professeur l’avait remarqué. Et ça durait depuis quelques jours déjà. Il s’était dit que c’était une humeur passagère, comme lui qui était plus ou moins souriant selon les journées. Peut-être son nouveau travail ? Peut-être… ? Plein de choses. Alors il s’était tu, se disant qu’elle finirait par parler si elle en avait envie. Si c’était plus qu’une simple fatigue éphémère. En se disant qu’elle lui parlerait, pour honorer ce principe de transparence et de communication qu’ils s’étaient promis de respecter cinq mois auparavant. Mais rien. Pas une parole à ce sujet malgré un sourire un peu moins franc qu’à l’accoutumée. Ce fut donc un peu lassé, mais surtout déçu et préoccupé qu’il décidât de ne pas rallonger la soirée et de retourner à Redwood Hills.

C’était peut-être de sa faute, puisqu’il n’insistait pas comme elle le faisait quand elle sentait que quelque chose pesait sur son coeur. Il ne le faisait pas, parce qu’il détestait ces moments tout en les sachant nécessaires pour leur relation, parce qu’il n’avait pas envie de déclencher une autre micro dispute s’il n’était pas délicat ou si elle évoquait un sujet désagréable. Parce qu’il préférait jouer l’aveugle afin de conserver cet air espiègle sur son visage librement et ne pas se sentir impuissant face aux préoccupations de Casey ? Parce qu’il préférait lui-même ne pas honorer leur principe pour se complaire dans leur quotidien confortable. Pourtant, le trajet un peu trop silencieux dans la voiture finit par le convaincre. Si elle ne voulait pas parler, il s’en chargerait. Le professeur ne pourrait pas supporter encore longtemps cette distance qu’il sentait se créer entre eux malgré les regards et gestes tendres de la jeune femme. Il ne pourrait pas, sous peine d’imaginer tout et n’importe quoi. De laisser reparaître sa jalousie, sa possessivité. Elle avait eu sa chance de parler d’elle-même depuis le temps, à lui de prendre les choses en main. Ce fut donc un peu nerveux qu’il garât la voiture devant la maison et qu’il rejoignît l’entrée peu après elle. Fermant la porte, il soupira légèrement pour ne pas être remarqué par Casey et déposa son manteau. Il garda cependant sa veste et s’approcha de la jeune femme pour l’embrasser sur le front puis l’enlacer délicatement. Nate voulait que ce soit elle qui parle, alors il tenta une première approche simple. Un réconfort, au cas où ses réactions parfois démesurées soient ce qui rendait la jeune femme mutique. Dans un murmure, pour ne pas la bousculer. « Tu sais que tu peux tout me dire Casey. » Alors, dis-moi tout. Avant qu’il ne trouve un moyen moins délicat de découvrir ce qu'il se tramait dans son esprit.

Une soirée à Burlington et tout ça, organisé par son homme, comment aurait-elle pu dire non ? Elle ne pouvait pas, même si elle avait la tête ailleurs depuis plusieurs jours déjà. Le problème ? Du retard et pas juste un ou deux jours, bien plus que cela. Au début, elle n'en avait pas vraiment fait de cas. Et puis, elle avait commencé à flipper. Pourquoi ? Parce que c'était bien trop tôt pour un enfant. Bien sûr, elle en voulait des enfants mais elle n'avait pas l'impression d'y être prête. Et puis égoïstement, elle voulait encore profiter de son couple avant d'en faire, ils avaient le temps. Le deuxième point, c'était qu'elle n'était pas sûre de la réaction de Nate et si lui ne voulait pas d'enfants ? Chaque fois qu'ils en avaient parlé, même vaguement, genre le fait que sa granny allait sûrement poser la question, il avait eu un mouvement de recul. Elle l'aimait à la folie, évidemment, mais elle n'était pas sûre de pouvoir renoncer à cette idée d'avoir des enfants. Des, parce qu'elle ne voulait pas avoir un enfant unique, c'était bien trop triste, elle l'avait vécu et ne voulait pas le faire revivre à un enfant. Avec Nate ? Peut-être qu'un, il y avait Joyce pour faire office de grande sœur. Enfin là n'était pas la question, ils n'étaient pas prêts. Elle avait donc passé plusieurs jours de panique avant de se décider à acheter un test de grossesse.

Elle essayait évidemment de donner le change parce qu'elle ne se sentait pas prête, pas prête du tout à affronter la réaction de son homme. Bien sûr, elle savait très bien qu'elle devrait le lui dire, elle ne lui cachait rien de toute façon. Elle avait d'ailleurs passé par tous les arc-en-ciel des émotions… de la terreur, de la colère, de la joie pure, de la peur, du soulagement et de la tristesse… Pas facile à contenir tout ça. Et puis il y avait autre chose, elle ne savait pas vraiment comment le lui dire. Comprendrait-il ce qu'elle ressentait ? Ne connaissant pas vraiment son avis sur le fait d'avoir des enfants, elle ne savait pas trop et ça la terrorisait. Elle connaissait son homme et ses réactions, souvent, disproportionnées. D'habitude, elle les suivait plutôt bien et savait aujourd'hui les gérer, mais celle-ci ? Pas sûr. Très silencieuses ces derniers jours, elle ne faisait que penser, tourner tout ce qui s'était passé dans tous les sens. À quelque part, elle se doutait que Nate voyait bien qu'il y avait quelque chose, mais il ne disait rien alors peut-être qu'il ne voyait pas ou ne voulait pas voir. Une fois rentré à la maison, elle accrocha son manteau à une patère après avoir enlevé ses chaussures, elle allait se diriger vers la cuisine quand il s'approcha d'elle et l'enlaça avant de poser un baiser sur son front. Fermant les yeux, elle posa sa joue sur son torse. Il la réconfortait toujours quand il avait des gestes comme cela. Et puis il lui murmura quelques mots, elle pouvait tout lui dire. Elle hocha la tête. Oui, elle le savait. Enfin… pouvait-elle vraiment lui dire ça ? Y était-elle prête ? Non, pas vraiment. Enfin elle ne savait pas. "Oui, je sais…"

A quelque part, elle faisait un peu comme lui cette fois, quelque chose n'allait pas ou allait bien, mais elle ne le partageait pas, elle le gardait pour elle et bien sûr, ça la bouffait. Elle prit une petite inspiration, mais elle ne dit rien de plus. "J'ai envie d'un thé. Tu veux que je te prépare un café ?" Essayait-elle d'éviter la conversation ? Oui. Bien sûr. Elle lui sourit et puis posa un baiser sur ses lèvres avant de s'échapper de ses bras pour aller dans la cuisine. Perdue loin dans ses pensées, elle ne pensait pas qu'il allait insister, c'était en général plus son genre. Mais en général, elle parlait plus facilement de ce qui n'allait pas. Alors il était bien possible que les rôles soient inversés aujourd'hui.

Combien de fois avaient-ils échangé sur l’importance de la communication dans les relations, et particulièrement la leur qui avait subi de nombreux malentendus ? Combien de fois ? Bien trop pour que Nate s’en souvienne. Et pourtant, les voilà à nouveau dans une malheureuse situation puisqu’un secret semblait s’être glissé entre eux. A vrai dire, le professeur n’en était pas persuadé, que ce soit un secret et pas autre chose. Et c’était là l’une des raisons de son silence jusque là. Et si ce n’était qu’une fatigue éphémère ? Il ne tenait pas à envahir le jardin secret de la jeune femme, encore moins qu’elle ne le croit à nouveau jaloux de quelque chose. L’épisode du club à New York avait suffi. Et puis, il ne l’était pas. Pas encore. Pour le moment, ce n’était qu’une légère préoccupation. Pourquoi était-elle silencieuse ? Pourquoi ne lui en parlait-elle pas ? Ok. La nervosité montait. Et dans cette voiture sur le chemin de Redwood Hills, il n’avait vu qu’une seule solution à cela : lui en parler. Lui laisser une chance de s’exprimer d’elle-même avant de la faire avouer s’il le fallait. Nate s’en était convaincu. La soirée ne se terminerait pas sans qu’il ait appris ce qui tracassait sa compagne. Tant pis s’il devait user de persuasion ou d’un ton moins conciliant pour obtenir ce qu’il voulait.

Rentrant chez eux, il avait alors pris un court instant pour se convaincre une dernière fois qu’il faisait le bon choix. Celui qui empêcherait les doutes de submerger leur relation, d’entacher la confiance absolue qu’il avait en elle. Fermer la porte. Poser son manteau. Le temps de lui faire face était venu, un peu trop vite. Dans quoi s’embarquait-il ? Aucune idée. Mais il avait le sentiment de ne plus avoir le choix. Pour leur bien. Pour son bien, à lui. Alors il s’approcha de la jeune femme et l’enlaça. Sans aucun désir particulier, pour changer. Premier indice que cette fin de soirée ne serait pas habituelle. Que Nate attendait autre chose. Puis il continua en essayant de la rassurer, en essayant de lui faire comprendre qu’il pouvait tout entendre d’elle. En essayant. Parce que la réponse qu’il reçut n’avait rien de convaincant. Casey hocha la tête et lui confirma. Elle le savait, oui. Elle savait qu’elle pouvait tout lui dire. Alors pourquoi gardait-elle le silence ? Pourquoi se contentait-elle de lui proposer un café ? Est-ce qu’il ne la méritait pas, lui, la communication ? Oh, c’était mauvais signe s’il commençait à s’agacer de cette façon. Mais il ne laissa rien transparaître. Pas trop, en tout cas, alors que la jeune femme l’embrassa rapidement et lui sourit si adorablement avant de filer préparer son thé. Avant de filer. Est-ce qu’elle l’évitait, maintenant ? Le brun la laissa partir dans la cuisine, franchement déçu. Il faudrait donc insister. Il soupira, encore, et finit par la suivre dans la cuisine. Il n’en voulait pas, de ce café, à vrai dire. Cette façon de quitter son étreinte avec un simple sourire n’était pas son genre. Et tout ça pour un thé ? A cette heure-là ? Après leur soirée ensemble ? Non. Elle n’avait fait que lui confirmer que quelque chose n’allait pas.

La regardant un instant s’affairer seule à ses occupations, il se demandait comment il allait faire pour savoir ce qu’il se passait dans cet esprit qui pouvait être si surprenant. Foncer tête baissée n’était pas la solution. Absolument pas. Pourtant, c’était la seule chose dont il était capable. La délicatesse ? Ce n’était que peu son genre. Mais… Mais il ne pouvait pas prendre le risque de lui faire vivre cette conversation comme une agression. Il serra la mâchoire en soupirant une dernière fois avant de se rapprocher d’elle. Encore. Mais cette fois-ci, il l’obligea à lui faire face, à le regarder et à l’écouter. Vraiment. Il replaça une mèche de ses cheveux qui venait sur son visage, pour mieux l’observer, et posa aussi délicatement qu’il le pouvait dans la situation sa main sur sa joue. Le ton un peu plus pressant que la première fois. « Dis-moi ce qu’il se passe Casey. » Casey. Toujours ce prénom, pour qu’elle se sente encore plus concernée. Casey. Il fallait lui dire, maintenant, ou il finirait par perdre patience.

Bien sûr, elle savait parfaitement qu'elle ne faisait pas les choses bien, elle aurait dû lui en parler, elle devrait lui en parler. Mais elle ne s'en sentait pas la force, elle avait tellement peur de sa réaction. Elle était complètement paniquée à vrai dire. Et pourtant, elle ne devrait pas. Mais elle s'était rendue compte d'une chose qu'elle devrait lui dire et elle avait peur que ça brise quelque chose entre eux. C'était si difficile. Elle avait tourné cette situation, son ressenti dans tous les sens et ce, depuis plusieurs jours d'ailleurs. Bien avant d'avoir fait le test, bien avant de savoir. Maintenant qu'elle savait, c'était pire. Elle avait eu des jours où elle s'était enfermée dans la salle de bain pour pleurer, pas souvent heureusement, sinon il aurait vu ses yeux de panda et rougis. Mais elle était devenue douée pour cacher la misère et elle avait retenu énormément d'émotions depuis ces événements. Elle devait bien l'avouer. Quelque chose qu'elle n'avait pas l'habitude de faire. Oui, elle avait passé une bonne soirée, mais elle ne pouvait empêcher son esprit d'être ailleurs. C'était pour cela qu'elle était si silencieuse. Et elle était consciente qu'en rentrant, il lui tendait une perche, il avait compris qu'il y avait quelque chose et il voulait qu'elle lui parle. Mais sur le moment, elle en avait été incapable et elle était partie se retrancher dans la cuisine pour se faire un thé. Attitude qu'il ne trouverait pas forcément trop étrange, c'était quelque chose qu'elle faisait toujours du thé. Elle se demandait s'il allait laisser couler.

Elle l'entendit entrer dans la cuisine, évidemment. Elle entendit également son soupir qui semblait un peu agacé quand même. Et puis il s'approcha et la fit se retourner. Elle le regarda alors qu'il replaçait une mèche de ses cheveux. Nate déposa une main sur sa joue et puis il lui demanda simplement ce qu'il se passait. Il utilisa son prénom, elle savait bien pourquoi, ça y donnait plus de force, évidemment. Elle le regarda un moment, silencieuse. Et puis quelque chose se brisa et elle fondit en larmes, littéralement. Elle se blottit entre ses bras en pleurant de tout son saoul. Elle retenait tout cela depuis si longtemps que tout sortait maintenant et elle ne pouvait plus rien y faire, ni arrêter. Elle en tremblait et sanglotait, tout cela en même temps. "Nate…" Elle s'accrochait à lui, il était son homme, sa bouée de secours en l'occurrence. Elle essaya de parler mais n'y arriva pas. Nate l'emmena au salon et l'installa sur le canapé. Il ne savait sûrement pas trop quoi dire… Blottie contre lui, elle resta encore silencieuse quelques instants tout en essayant de prendre de grandes inspirations pour se calmer. Et quand elle fut un peu plus calme, les yeux baissés, elle n'osait pas le regarder, elle avait tellement peur de sa réaction.

Elle prit une dernière grande respiration. "Coupe-moi pas s'il te plaît…" Elle soupira doucement. "Tu sais que je prends plus la pilule depuis un moment, mais on fait super attention. La seule fois où on a pas fait attention, j'ai pris les mesures, évidemment. Mais j'avais du retard et du coup, j'ai flippé." Un nouveau soupir. "J'ai fait un test et t'inquiètes pas, je suis pas enceinte." Les larmes coulaient sur ses joues, toujours et elle n'osait toujours pas le regarder, parce qu'elle avait toujours aussi peur de voir ce qu'il pensait ou ressentait dans ses yeux ou sur son visage. "J'étais soulagée, évidemment, c'est bien trop tôt et tout. Mais une fois que la panique est retombée, j'ai pas juste été soulagée… j'ai été triste aussi et j'ai réalisé à quel point je voulais un enfant…" Elle se mordit la lèvre. "J'avais peur de ta réaction…"

Terminer cette soirée par une déception. Parfait. C’était exactement ce dont Nate avait besoin. C’était exactement ce dont leur relation avait besoin. Au fond, ce n’était pas grand-chose. Enfin, peut-être. Peut-être qu’il s’imaginait tout et n’importe quoi parce qu’il sentait qu’il n’avait plus le contrôle sur Casey, sur ce qu’elle pensait et lui disait. Oui, ce n’était peut-être que ça. Que ça ? Oh, c’était déjà bien trop. Avoir la sensation qu’elle lui cachait quelque chose, qu’elle ne voulait pas parler pour une raison qui lui échappait… Tout ça le mettait dans une nervosité sans précédent. Avec elle. Parce qu’il en avait eu des coups d’angoisse auparavant. Pourtant, il avait cru cette partie de sa vie derrière lui. Il avait cru qu’avec Casey ce serait différent, qu’il n’aurait pas à se soucier des non-dits, parce qu’elle était si facile à comprendre. Elle parlait d’elle-même, ou Nate finissait par lire en elle assez pour lancer une discussion. Cette fois-ci, il avait fallu attendre qu’il remarque quelque chose, et surtout qu’il se sente obligé de le notifier à la jeune femme qui ne semblait pas vouloir s’exprimer. Premier essai. Échec. Le seul, il l’espérait. Casey acquiesça à ses paroles sans chercher à se délivrer de ce qu’elle dissimulait. Non, elle préféra l’enlacer délicatement et rejoindre la cuisine pour un thé. La déception, qui revenait. Que pouvait-il bien se passer pour que même la jeune femme n’ait pas envie de lui en parler ? Elle qui avait tant d’aisance à verbaliser simplement ce qu’elle pensait et ressentait. Tant pis, il faudrait insister. Délicatement, de préférence.

Sans trop attendre, il la suivit dans la cuisine et la regarda un instant avant de la retrouver. D’essayer de la réconforter, de la consoler ou ce dont elle avait besoin. La brusquer n’arrangerait rien. Alors il se lança dans une dernière tentative pour la faire parler. Pour qu’elle lui explique enfin ce qui la tracassait avant qu’il n’ait l’idée de hausser le ton ou de choisir des mots plus incisifs. Silencieuse, elle ne répondit pas en le regardant. Pourtant, le professeur voyait quelque chose se produire dans ses yeux. Quelque chose qu’il n’aimait pas voir. Oh non, il n’avait pas envie de voir ce qui allait se produire, mais il le fallait. Casey devait tout laisser sortir, et il aurait été bien ingrat de lui reprocher quoi que ce soit après avoir insisté pour qu’elle s’exprime. Surpris par l’intensité de la peine de la jeune femme, Nate se sentit vite impuissant tout en essayant de la consoler. C’était donc de ça qu’elle avait besoin. D’une épaule pour pleurer. Mais pour quoi ? Pour le moment, il se contenta de l’enlacer étroitement pour qu’elle ressente au mieux sa présence. Pour qu’elle ne se sente pas seule, comme ces derniers jours où elle avait dû porter son fardeau sans rien en avouer. Puis il décida de l’emmener dans le salon, sur le canapé, pour qu’elle puisse se détendre un peu plus facilement. Toujours blottie contre lui. Nate essayait de son mieux, lui disant que tout irait bien, mais au fond, il n’en savait rien. Qu’est-ce qui pouvait la mettre dans cet état ? Mille scénarios commençaient à se frayer un passage dans son esprit, mais il fit tout ce qu’il pouvait pour les chasser. Un à un. Ce n’était pas le moment de se mettre en tête des absurdités. Elle avait besoin de lui, pas d’un paranoïaque jaloux qui lui reprocherait la moindre parole. Il la laissa donc se calmer, laissant une de ses mains la caresser tendrement pour l’aider à reprendre ses esprits. Ce qui arriva, après un long moment de silence. Silence qu’il était à présent temps de briser. Casey prit plusieurs grandes respirations et prit la parole pour une invitation pas vraiment très rassurante. Encore moins avec ses yeux baissés, fuyants, qui n’auguraient rien de bon. Oh, il avait l’impression de se voir quand il avait dû lui avouer son passé, son infidélité et les horreurs qui menaçaient sa vie. Leur vie, maintenant. Ne laissant rien transparaître, il sentit pourtant son coeur se mettre à battre un peu trop fort. Quand on demandait à l’autre d’écouter jusqu’au bout, il y avait en général une information peu agréable dissimulée quelque part dans le discours sur le point d’être prononcé. Bref. Pas de scénario abracadabrant, Nate, avant de savoir la vérité. Il acquiesça, n’ayant pas trop le choix, et la laissa continuer.

Eh bien, disons que l’art du suspense n’était pas le fort de la jeune femme qui entra dans le vif du sujet immédiatement. Pour le plus grand désarroi de Nate. Oh. Mon. Dieu. Le souffle coupé, il avait l’impression qu’on venait de lui lancer un millier de seaux d’eau glacée en pleine figure. Non, non, non. Elle ne pouvait pas lui faire ça. Ça ne pouvait pas arriver. Pas encore. Pas alors qu’il faisait si attention. Il avait fait attention, non ? Oui. Non. Oui ? Il ne savait plus. Ses pensées partaient dans tous les sens. Écoutant à moitié le reste, il ne lui restait qu’un réconfort. Que Casey évite son regard. Ainsi, elle ne pouvait voir l’angoisse, la terreur qui s’étaient invitées dans ses yeux déjà sombres. Oh non, ils n’avaient pas fait attention une fois. Dans cette fichue journée pourrie. Puis il entendit la suite. Elle avait du retard. Non. Non. Ce n’était pas possible. Pas après une seule erreur. Non. Le professeur devint froid, crispé, sans même s’en rendre compte. Une grossesse surprise, c’était hors de question. Une grossesse, tout simplement d’ailleurs. Mais il avait promis de ne pas la couper. Il avait promis. Alors il ne dit rien. Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui dire, de toute façon ? Qu’il n’en voulait pas ? Puis la suite arriva, et le soulagement avec. Jamais il n’avait vécu un tel ascenseur émotionnel. Passer de l’incompréhension, à l’angoisse, la peur puis au soulagement en si peu de temps. Son coeur ne s’en remettrait pas. Pas avant longtemps. Il laissa échapper un soupir, extrêmement allégé par cette dernière nouvelle. Pas enceinte. Elle n’était pas enceinte. Nate sentit sa respiration s’apaiser, tandis que son coeur frappait encore un peu trop fort pour qu’il puisse finir par se détendre. Pas enceinte. Mais alors… pourquoi réagissait-elle ainsi ? Et l’incompréhension qui revenait. Pourquoi semblait-elle si peinée par cette histoire si elle n’était pas enceinte ? Forcément, il ne comprenait. Lui, il ne voyait qu’une chose. Qu’il n’était pas prêt à devenir père à nouveau. Qu’il ne le serait sans doute jamais. Il ne voyait que le soulagement de ne pas prendre le risque de décevoir tout le monde en échouant. Et cette idée fixe qu’il n’était pas un père suffisant. Mais il n’avait plus besoin d’y penser, puisque Casey n’était pas enceinte. Léger problème. La suite de son explication.

Elle voulait un enfant. Nate ferma les yeux un instant, à cette information qu’il savait pourtant depuis si longtemps. Casey voulait un enfant. Elle était faite pour avoir un enfant, de toute façon. Il fallait voir comment elle se comportait avec Joyce, avec n’importe quel petit qu’elle croisait. Elle était faite pour ça. Mais pas lui. Et ça, c’était un gros problème. Un immense problème. Et qu’elle ait eu peur de sa réaction ? C’était presque éclipsé par tout le reste. Ils en parleraient plus tard. Ou peut-être maintenant, comme il craignait tout autant sa réaction s’il disait ce que lui pensait de la possibilité d’avoir un enfant. Ou pas. Il changea d’avis. Il ne faisait que changer d’avis. Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui dire ? Rien ne lui semblait convenir. Rien. Alors, il garda le silence. Le regard un peu perdu. Interdit. Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui dire ? Certainement pas briser son rêve d’être mère un jour. Pas après l’avoir vu s’effondrer ainsi. Jamais. D’autant qu’il n’était pas certain de faire le poids contre ce rêve.

La situation n'était pas évidente pour la jeune femme. Elle mourrait d'envie d'en parler évidemment, de lui expliquer et de lui confier ses doutes, ses peurs et ses espoirs. Le problème ? Elle avait bien trop peur de sa réaction. Elle savait bien qu'avoir un enfant, ce n'était clairement pas dans ses idées pour le moment, du moins, elle le pensait. Elle avait vu ses réactions quand le sujet avait été à peine effleuré. Elle pouvait comprendre évidemment, il avait pas vraiment eu une attitude exemplaire en ce qui concernait Joyce, enfin lors de son départ. Aujourd'hui, c'était une toute autre histoire, il était là pour elle et pour la mère de sa fille et c'était ça qui comptait aux yeux de Casey. Certes, elle avait été soulagée de ne pas être enceinte, mais ce n'était pas les seuls sentiments qu'elle avait ressenti… un peu de déception également et puis elle s'était rendue compte à quel point, elle voulait devenir maman un jour. Pas aujourd'hui, pas demain, mais un jour. Et elle n'était pas certaine que Nate le voudrait. Et elle ne savait pas non plus ce que ça donnerait sur le long terme si Nate restait catégorique. Elle n'avait aucune envie de l'envisager à vrai dire. Et elle savait qu'il la poussait à parler avec cette question, mais elle tenta une dernière esquive… elle ne voulait pas le décevoir, mais elle ne se sentait pas prête, pas sans s'effondrer devant lui.

Elle sut qu'il y aurait peu de chance qu'elle y échappe quand il s'approcha d'elle à nouveau et eut des gestes doux et tendres. Et puis il reposa une question, il fut doux, mais il voulait qu'elle parle. Et Casey… et bien, elle s'effondra effectivement, elle fondit en larmes et se blottit dans les bras de son homme qui l'enlaça plus étroitement et qui ne savait sûrement pas trop quoi faire de Casey en ce moment. Il la laissa pleurer tout son saoul en silence, la gardant dans ses bras après l'avoir emmenée sur le canapé du salon. Elle put laisser libre cours à tout ce qu'elle ressentait et ça lui fit du bien. Après de longues minutes, elle put enfin calmer les sanglots qui l'avait prise de court. Elle resta encore silencieuse un moment, consciente qu'il fallait maintenant qu'elle parle, qu'elle lui explique alors elle finit de se calmer et puis prit de longues inspirations. Sa première demande fut qu'il ne l'interrompe pas. C'était important, elle savait qu'il y avait de bonnes chances pour qu'il flippe. Alors elle n'osa pas le regarder, elle ne voulait pas voir ce qu'il ressentait avant d'y être prête et elle ne savait pas si elle le serait un jour… s'il refusait toute idée de nouvelle paternité.

Elle se lança finalement et fut plutôt directe. Elle avait besoin d'enlever ce pansement rapidement, ça ferait peut-être moins mal. Toujours les yeux baissés, elle lui expliqua donc la situation. Il savait évidemment qu'elle ne prenait plus la pilule, ils avaient toujours fait très attention à cause de cela, sauf une fois, leur folie pure dans la cuisine. Mais là, elle s'était occupée de prendre les mesures en passant à la pharmacie pour prendre la pilule du lendemain. Ils n'avaient jamais parlé ensemble d'avoir un enfant et jamais elle ne lui ferait un enfant dans le dos. Alors le retard l'avait fait flipper. Elle lui annonça bien vite qu'elle n'était pas enceinte, pas qu'il parte en bad trip complet. Elle savait que Joyce avait été un accident, un heureux accident, mais un accident quand même, jamais elle ne voudrait le mettre dans la même situation. Mais voilà, malgré le soulagement, elle avait ressenti une tristesse immense et avait découvert à ce moment-là, vraiment, à quel point elle voulait avoir un enfant, devenir maman. Elle lui avait tout dit alors elle ferma les yeux, silencieuse maintenant. Son regard était fixé sur ses mains avec lesquelles elle jouait nerveusement. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il ressentait, certes, elle avait ressenti une certaine tension, mais elle n'avait pas encore osé le regarder. Elle ne voulait pas découvrir que lui, n'en voudrait jamais.

Le silence revint, les enveloppant, il était doux et tendu à la fois. Nate n'avait pas prononcé un mot à tout ce qu'elle lui avait dit, ce qui n'était pas vraiment complètement étonnant. Il pouvait être bavard, évidemment, mais plus difficilement quand il s'agissait de choses touchant ce que l'on pouvait ressentir. Elle profita un instant de ce silence afin de finir de remettre de l'ordre dans ses idées et puis surtout, trouver le courage de lever les yeux. Les larmes finirent par se tarir et elle s'essuya les yeux. Elle ne devait plus ressembler à grand-chose avec ses grands yeux bleus rougis par les larmes, mais bon, elle était avec Nate, ce n'était pas un drame. Elle finit par relever les yeux. "Je me doute que tu es soulagé, tu as le droit de le dire. Je le suis aussi, en un sens. Je ne me sens pas prête à avoir des enfants. J'aimerais avoir un enfant, mais pas demain, ni dans une semaine, ni dans un mois." Elle vint chercher sa main. "Et jamais, je te ferais un enfant dans le dos. Cette promesse-là, je peux te la faire." Était-elle prête à entendre l'avis de Nate sur les enfants ? Ce n'était pas sûr du tout, elle en doutait même carrément. Mais avait-elle le choix ? Pas vraiment, elle avait besoin de savoir… et en même temps, elle était terrorisée à l'idée que cette conversation les éloigne l'un de l'autre. "J'avais peur de te le dire parce que je me suis dit que t'allais flipper. Je sais que tu t'en veux encore pour Joyce et tout… Mais je voulais te dire aussi que tu es un père formidable, je t'ai vu avec ta fille, tu es patient et aimant, elle t'aime à la folie cette petite." Elle lui sourit faiblement. "Je veux pas te mettre au pied du mur… mais je voulais que tu le saches, même si tu as dû insister un peu, je suis désolée de pas te l'avoir dit plus tôt, j'aurais dû…"

Est-ce qu’il devait la pousser à parler ? Cela faisait déjà plusieurs jours qu’il se postait la question. Jusque là, il ne l’avait pas fait. Parce qu’il ne voulait pas paraître envahissant. Lui donner l’impression qu’il avait besoin de tout savoir, même concernant le moindre changement d’humeur. Pourtant, maintenant, après une soirée en amoureux qui s’était très bien passée, il en avait envie. Il voulait en parler, parce qu’il n’avait pas ressenti cette même étincelle que d’habitude. Cette complicité sans borne qui les liait, qui le rendait si heureux et détendu. Oh, elle était toujours là. Il s’en serait inquiété bien plus vite sinon. Mais elle lui semblait vacillante dernièrement, comme si Casey avait l’esprit ailleurs. Elle ne souriait plus comme avant à leurs discussions, elle ne riait plus comme avant à ses plaisanteries. Peut-être parce qu’elle s’était enfin rendu compte qu’elles n’étaient pas si drôles. Peut-être. Mais ce n’était pas l’option choisie par Nate. Dommage, ça aurait été bien plus simple que ce ne soit que son humour douteux. Il avait donc décidé de se lancer. D’être celui qui réclamerait un effort de communication, pour une fois. Ce fut tout d’abord délicatement, mais la première tentative se solda par un échec. La deuxième ? Plutôt réussi. Enfin, si on pouvait dire qu’une Casey qui fondait en larmes dans ses bras était une réussite.

Faisant de son mieux, il consola la jeune femme en la gardant auprès de lui puis la mena jusqu’au salon pour qu’ils soient mieux installés. Pour qu’ils puissent se détendre un peu, au lieu de rester comme deux idiots au milieu de cette cuisine. Ce fut une excellente idée, puisqu’ils restèrent ainsi de longues minutes jusqu’à ce que la jeune femme finisse par sécher ses larmes et reprendre son souffle. Nate, lui, n’avait rien dit. Comme souvent. Il se contentait d’être présent, de laisser sa main la rassurer et la réconforter. C’était bien mieux que de sortir des bêtises pour essayer de lui faire penser à autre chose. Mais autre chose, par rapport à quoi ? Eh oui, elle n’avait toujours pas dit ce qui la préoccupait tant. Les raisons de ces larmes. Avait-il vraiment envie de les connaître ? Oui. Même si le non l’emporterait dès ses premières paroles. Il accepta de rester silencieux jusqu’à la fin et la laissa parler. Sans un mot. De toute façon, il n’en avait plus. Ne restait qu’une multitude d’émotions différentes, successives et simultanées. Le professeur passait par tous les stades. Du refus à l’horreur. Il crut d’abord qu’elle était enceinte. Puis comprit qu’elle ne l’était pas. Puis ne comprit pas pourquoi elle réagissait ainsi. Elle aurait dû être soulagée, non ? Nouveau coup de massue. Et toujours ce regard fuyant qui ne le rendait que plus nerveux. Tant mieux, elle ne voyait pas tout ce qui se tramait dans son regard. L’angoisse d’entendre de telles choses. Cette fausse alerte qui réveillait une envie chez Casey qu’il avait préféré oublier. Parce qu’au fond, il savait très bien que la jeune femme avait toujours voulu être mère. Mais il avait occulté cette réalité. Plus facile d’envisager leur relation ainsi. Mais quel intérêt si tout cela devait être dans une sorte de déni ? Comment leur relation pouvait-elle grandir avec une telle divergence d’opinion ?

Un silence pesant fit son apparition. Un silence qui sembla durer des heures pour Nate, tellement il ne trouvait pas les bons mot afin de répondre à Casey. Il cherchait pourtant, il cherchait. Mais… ce qui lui venait ne convenait pas. Lui demander depuis combien de temps la situation durait ? Oh, ce serait perçu comme un reproche. Lui dire qu’il ne souhaitait pas d’enfant ? Encore pire. Esquiver la situation en reportant ce problème à un autre jour ? Peut-être. Tiens, ça, c’était une bonne idée. Peut-être qu’il trouverait quelque chose d’ici là pour ne pas la décevoir. Pas trop. Alors qu’il tournait une phrase dans tous les sens dans son esprit pour qu’elle soit la plus convaincante possible, il fut surpris de la voir lever les yeux vers lui. Ce serait donc elle qui trouverait le courage de briser ce silence. Découvrir ses yeux meurtris lui brisait un peu plus le coeur et fit voler en éclats ses certitudes. Celles qui lui disaient de reporter cette discussion à un autre jour. A jamais. C’en devenait trop difficile à supporter. Il détourna donc légèrement le regard, écoutant ce qu’elle avait à lui dire pour l’apaiser. Pour effacer ses peurs. Elle voulait avoir un enfant. Pas demain, ni dans une semaine, ni dans un mois. Mais elle en voulait un quand même. C’était dur à entendre. Très. Comme s’il l’entendait mettre fin à leur relation parce qu’ils n’avaient pas les mêmes objectifs de vie. Elle, la maternité. Lui… ? Il ne savait même plus ce qu’il voulait. Être heureux. Mais qu’est-ce que ça voulait dire ? Certainement pas avoir un enfant. Certainement pas tenter à nouveau une expérience à laquelle il avait magistralement échoué la première fois. C’est alors qu’il sentit sa main sur la sienne. Et ces quelques mots de réconfort. Oh, elle savait comment s’y prendre avec Nate pour apaiser son esprit. Elle ne le connaissait que trop bien. Si bien qu’il finit par la regarder à nouveau. Le regard sans doute plus las et morose. La paternité, ce n’était pas ça le problème. Le problème, il résidait dans tout ce qui l’avait entourée. La surprise. L’abandon. Le manque. L’échec. L’impression de ne plus avoir sa place auprès de sa fille. Nate refusait catégoriquement de revivre ça. Mais pourquoi aurait-il à le revivre ? Pourquoi ? Cette promesse commençait à le rassurer, même s’il avait toujours su que la jeune femme ne lui ferait jamais ça. Pas après avoir appris les conditions entourant la naissance de Joyce. Joyce. Oh oui, il s’en voulait. Terriblement. La plaie s’était rouverte, ce soir. Joyce. L’un des rares sujets qui pouvaient le mettre dans tous ses états. Pourtant, Casey, en compagne exemplaire, faisait tout pour ne pas malmener son coeur lourd malgré la situation délicate. Certes, elle en était à l’origine, mais elle faisait tout pour la gérer habilement. Pour ne pas accabler Nate et lui reprocher son silence pourtant peu plaisant. Non, elle trouva le moyen qu’il fallait pour lui apporter un peu de paix. Ou, du moins, lui faire oublier cette angoisse d’envie de maternité. Un père formidable. Le brun osait espérer qu’elle avait raison, sans y croire vraiment. La suite, il l’occulta presque entièrement. Pour le moment. Il n’avait qu’une chose en tête à présent. Une chose qu’il finit par formuler avec difficulté, dans un murmure. « Tu le penses vraiment, que je suis un bon père ? » Lui, il n’en savait rien. Il ne voyait que ses erreurs. Il ne voyait que celles de son père qui l’avaient mené à ne pas savoir ce qu’un père devait faire. Ne devait pas faire. Oh, ce n’était pas une excuse pour ce qu’il avait fait cinq ans auparavant. Absolument pas. Mais comment savoir pour le reste ? « J’ai jamais cru que j’étais fait pour ça. » Dans le passé. Dans le présent. Dans le futur. Jamais. Pourquoi avoir convaincu Hesther de garder leur enfant, alors ? Là était un grand mystère. Mais pas le sujet de la conversation. Reprenant peu à peu ses esprits, il parvint à formuler une réponse décente. Enfin. « Je veux pas que tu aies peur de moi. De mes réactions. On est deux, alors on traverse ce genre de choses à deux. » Une réponse qui ne voulait rien dire. Qui ne l’aidait pas, Casey, à savoir ce qu’il pensait de cette possibilité, celle d’avoir un enfant, un jour. Mais c’était la seule qu’il arrivait à exprimer sur l’instant. Même si son coeur commençait à entendre les attentes de la femme qu’il aimait. Est-ce que ça pourrait être ça, le bonheur parfait ? Rendre Casey heureuse en lui donnant ce qu’elle voulait ?

Elle se doutait que Nate devait être complètement perdu avec une Casey qui s'effondrait ainsi entre ses bras, sans aucun préavis. Pour une fois que c'était lui qui cherchait la conversation, elle en serait certainement ravie, plus tard, quand elle aurait l'esprit clair à nouveau. Là, il avait ouvert les vannes avec sa question et Casey devait tout laisser sortir, elle n'avait plus le choix, c'était souvent ça, à vouloir trop intérioriser. Il faisait de son mieux et c'était parfait. Il restait près d'elle, l'enlaçait, tentait de la calmer comme il pouvait… c'était parfait, elle ne pouvait rien demander de mieux à vrai dire. Dans tous les cas, il n'était plus temps de se taire, il allait falloir qu'elle partage l'ascenseur émotionnel qu'elle avait vécu il y a peu et simplement espéré que ça n'allait pas créer une coupure irréparable entre eux. Alors elle se lança et il accepta de rester silencieux pendant ses explications. Et elle se lança. Casey était rarement du genre à tourner autour du pot et puis elle s'était tue tellement longtemps que maintenant, elle avait besoin de tout laisser sortir. Alors elle lui fit part de ce qui s'était passé. Le retard, la panique d'être enceinte, le soulagement extrême qui l'avait prise une fois qu'elle était sûre que c'était une fausse alerte et puis la tristesse totale qui l'avait prise alors qu'elle ne s'y attendait pas. Bien sûr, elle avait toujours su qu'elle voulait des enfants, mais là, c'était plus qu'une certitude.

Elle avait gardé les yeux baissés durant toutes ses explications parce qu'elle ne voulait pas voir ce qu'il ressentait, ce qu'il pensait durant ses explications. Ce n'était pas pour rien qu'elle avait eu peur de sa réaction si elle lui en parlait. Ils n'avaient jamais parlé d'avoir des enfants ensemble, mais elle avait vu sa réaction quand ils en avaient juste vaguement parlé et ça valait milles mots. Il avait eu l'air paniqué, ça n'avait sûrement pas changé. Du coup, elle avait préféré ne rien voir, peut-être pas le plus sain des scénarios mais ça lui évitait bien des déconvenues, évidemment. Une fois qu'elle eut terminé, le silence continua. Nate semblait ne rien trouver à dire… ce qui n'était pas vraiment surprenant. Elle profita simplement de ce calme pour finir de remettre ses idées en ordre, c'était important pour elle. Casey finit par lever les yeux sur lui pour reprendre la parole, ça lui semblait important. Bien sûr, elle voulait un enfant, mais elle n'en voulait pas demain. Elle avait été soulagée de ne pas être enceinte et elle l'était toujours, malgré la tristesse sous-jacente. Elle lui fit également une promesse qui lui semblait importante vu le background de son homme, jamais elle ne lui ferait un enfant dans le dos, même si ce n'était pas ce qui s'était passé avec Hesther, elle tenait à ne pas tomber enceinte par accident. Il détourna le regard. S'éloigneraient-ils ? Elle espérait que non.

Prenant sa main, elle lui parla du fait qu'elle comprenait tout à fait le fait qu'il s'en veuille encore pour sa fille et pour tout ce qui se passait, mais elle tenait à ce qu'il sache qu'il était un père formidable et elle le pensait vraiment. Elle n'avait pas voulu le mettre au pied du mur et elle le lui dit, c'était important à ses yeux. Mais il était également important qu'il sache ce qu'elle ressentait à ce sujet, vital même selon elle. Et puis elle se tut, elle se doutait qu'il se remettrait à parler. Sa question la fit l'observer un instant et elle serra doucement sa main. "Bien sûre que je le pense vraiment et pas juste bon, vraiment formidable. Ta petite t'adore. Et même si tu la gâtes, tu sais lui mettre des limites également. Elle est adorable et ouverte, ce n'est pas pour rien." Elle lui sourit doucement et caressa sa joue. "On en est jamais sûr, jusqu'à ce qu'on soit mis devant un enfant. Tu es tellement touchant quand tu es avec ta puce, attentif et tendre." Elle pensait chaque mot qu'elle prononçait. Il ne pouvait pas savoir à quel point son cœur avait fondu quand elle l'avait vu pour la première fois avec sa fille. Les paroles qui suivirent lui firent chaud au cœur. Elle le savait, évidemment, mais l'entendre, c'était une toute autre chose. Elle ne devait pas voir peur de lui et de ses réactions, ils se devaient de traverser ce genre de choses à deux. Elle hocha la tête et se blottit contre lui, l'entourant de ses bras. Il avait évité toute la partie sur l'éventualité d'avoir un jour un enfant, mais ce n'était pas vraiment étonnant.

Elle laissa le silence un instant s'allonger entre eux, silence plus agréable qu'un peu plus tôt. Elle posa une main sur son torse, à la hauteur de son cœur. "Peur de toi, jamais. Nerveuse de tes réactions, parfois." Un léger rire lui échappa, nerveux. "Mais promis, la prochaine fois qu'il y a quelque chose qui se passe, je t'en parlerais tout de suite plutôt que de resasser." Elle n'osait plus mentionner le retard, sa peur et ses espoirs. Il n'avait répondu à rien, à aucun de ses questionnements. Ce, à quoi elle s'attendait un peu, elle devait bien l'avouer. Elle ne savait pas exactement ce qu'il ressentait face au fait de redevenir père, mais elle pouvait comprendre qu'il en ait peur. Il n'avait pas vraiment pris les bonnes décisions avec Joyce, mais la situation n'était pas la même et ne le serait jamais. Leur histoire était entièrement différente. Et quoi qu'il arrive, elle ne lui ferait pas un bébé surprise, elle ferait suffisamment attention pour que ça n'arrive pas. Et si ça arrivait ? Elle ne savait pas trop. Ce dont elle était sûre, c'est qu'elle serait incapable d'avorter. Peut-être fuirait-elle pour ne pas avoir à voir les conséquences de tout cela. En serait-elle capable ? Elle n'en était pas sûre non plus. Mais si elle devait avorter, elle était sûre que cela briserait quelque chose en elle et certainement leur relation, ce qu'elle ne voulait aucunement. Elle aimait cet homme et s'imaginait clairement faire le reste de sa vie avec lui. Mais elle n'ajouta rien, toujours légèrement nerveuse à cause de tout ce qui arrivait. Elle n'avait pas envie que ce qui se passait aujourd'hui jette un froid sur leur relation, elle espérait que non. "Je suis désolée de t'avoir fait flipper..."

Oh non, il ne s’était pas attendu à une telle révélation ce soir. Loin de là. Jamais il n’aurait pensé que Casey était hantée à ce point par quelque chose, jusqu’à fondre en larmes dans ses bras. Eh bien, il n’était peut-être pas si doué pour lire en elle, pour comprendre son coeur et ses préoccupations. Ou peut-être était-elle devenue particulièrement habile pour dissimuler certaines choses à son compagnon. Quoi qu’il en soit, le résultat était le même. Nate n’avait absolument pas anticipé l’ampleur de la situation et se retrouvait impuissant, sans savoir que dire ou faire pour consoler la jeune femme en proie au désarroi. Il fit de son mieux, la gardant auprès de lui autant qu’il pouvait mais ne pouvant user de mots puisqu’il ignorait encore les raisons d’un tel flot de larmes. Et, Dieu, qu’il aurait préféré continuer à vivre dans cette ignorance plutôt que d’avoir à ressentir cette frayeur quand il décoda les premiers mots de ses explications.Une frayeur qui se transforma rapidement en soulagement immense avant de terminer en incompréhension. Elle pensait être enceinte, puis en fait non, puis elle était quand même triste. Cette succession de faits ne collait pas. Il y avait un problème quelque part. Triste de ne pas être enceinte ? Le professeur n’eut pas le temps de ressentir une quelconque colère qui aurait pu être nourri par de fausses idées, comme celle qui voudrait que Casey était déçue de ne pas lui avoir fait un enfant surprise tout en connaissant son histoire et ses doutes permanent quant à ses qualités de père. Non, il n’eut pas le temps, parce que Casey explicita son ressenti. Parce qu’elle savait comment était Nate, à quel point il avait besoin de simplicité et de précision dans ces instants pour garder le plus grand calme dans la situation. Elle savait que Nate était dans tous ses états. Elle savait que ce silence n’était pas une bonne chose.

Quelle chance incroyable il avait de vivre avec une femme qui le comprenait si bien et gardait tout de même patience. Combien se seraient agacés de supporter un silence si lourd de sens après une telle révélation ? Combien auraient réclamé une réponse à des questionnements qui demandaient une réflexion posée et surtout un apaisement laborieux de la part du professeur ? Il ne valait mieux pas qu’il parle sous le coup de l’émotion, où tout le monde finirait par le regretter. Casey d’avoir dévoilé un secret qu’elle aurait pu garder pour elle sans conséquence. Nate de s’être fermement opposé à l’idée de franchir une telle étape dans leur couple. Aujourd’hui ou dans l’avenir. Non, ça n’aurait pas été une bonne idée. Alors le brun saisissait toutes les occasions de laisser les battements de son coeur s’apaiser pour être en mesure d’offrir une réponse. D’offrir la réponse que Casey attendait. S’il en était capable. La jeune femme finit d’ailleurs par évoquer le coeur du sujet, le coeur des douleurs qui empêchaient Nate d’envisager d’être père à nouveau. Joyce. Le comportement qu’il avait eu avec elle, peu après son premier anniversaire. C’était ça son problème, cette peur de répéter le même schéma. De se voir échouer, encore et encore. D’être un mauvais père. Comme le sien. D’où sa question, alors qu’il se mit enfin à parler. Est-ce qu’elle pensait vraiment qu’il était un bon père ? Un silence plus léger s’installa, alors que la jeune femme le regarda un instant avant de lui répondre. Oh, ce n’était pas la prétention cette fois-ci qui l’entraînait à réclamer des compliments, mais toujours ce besoin d’être rassuré. Et Casey était tellement douée pour ça. Encore plus lorsqu’elle lui souriait doucement et posait sa main sur sa joue. A vrai dire, Nate pensa un instant que ce n’était pas grâce à lui que sa fille était si adorable, plutôt grâce à sa mère, mais il se garda bien de faire la remarque, se doutant qu’elle ne plairait pas. Et puis, il voulait croire qu’elle avait raison. Qu’il y avait un peu de lui dans cette petite si adorable, même s’il ne s’était jamais imaginé en tant que père avant l’arrivée de Joyce. « Mais ça a l’air tellement facile pour toi. T’es faite pour ça, ça crève les yeux. » Alors qui était-il pour oser penser lui retirer ce droit, celui d’être mère, pour son simple confort ?

Évitant soigneusement de répondre aux interrogations de la jeune femme, Nate trouva le moyen de la rassurer à sa façon. En lui affirmant qu’il serait à ses côtés pour chaque épreuve de ce genre, pour chacune d’entre elles. Même s’il ne pouvait garantir sa réaction première, il finirait toujours par reprendre ses esprits et la soutenir. Quoi qu’il arrive. Parce que Casey ne pouvait rien faire par pure malice. Ça, il le savait. Ce fut avec plaisir qu’il sentit la jeune femme se blottir contre lui alors qu’il l’enserra un peu plus , comme pour lui prouver sa présence et sa dévotion sans faille. Quoi qu’il arrive, exactement. Il n’avait pas fait tout ce chemin, seul et avec Casey, pour abandonner au premier obstacle. Jamais. Quelques courts instants plus tard, la jeune femme reprit la parole et le rassura à nouveau. Enfin, le rassurer ? En disant qu’elle était nerveuse de ses réactions, ce n’était pas certain… Pourtant, Nate essaya de voir le bon côté de cette remarque en ne retenant qu’une chose : elle se souciait de ce qu’il pensait. C’était donc bon signe, non ? Un signe qu’elle tenait vraiment à lui et à leur relation. C’était en tout cas bien plus plaisant de la comprendre ainsi, au lieu d’imaginer qu’elle craignait ses réactions pour une autre raison. Puis il partagea ce bref rire nerveux. La prochaine fois. Pour autre chose, il espérait. Il laissa ensuite le temps passer, en silence. Pour changer. Oh, ils devaient tous les deux être perdus dans des pensées bien trop personnelles pour être partagées. Ils en avaient besoin, de réfléchir seuls à cette situation. A ce que cela signifiait pour leur couple, leur avenir. Aux conséquences. Nate, lui, s’imaginait forcément le pire en s’attendant à ne pas être assez face à l’envie de la jeune femme d’être mère. Est-ce qu’il pourrait lui en vouloir ? Non. Il ne pourrait en vouloir qu’à lui-même de ne pas avoir remis en cause ses certitudes, de ne pas avoir remis en question ses idéaux. Casey méritait d’avoir ce qu’elle voulait, de devenir mère pour réaliser ce rêve qui lui tenait tant à coeur. Et est-ce que lui ne serait pas le plus heureux d’être celui qui lui donnerait cela ? Est-ce qu’il ne serait pas heureux de voir cette femme qu’il adorait porter son enfant ? Trop d’idées contradictoires se perdaient dans son esprit. Beaucoup trop. Alors il accueillit avec soulagement les paroles de Casey qui le sortirent de ce dédale migraineux. Soupir. C’était pour s’excuser ? Non. Elle n’avait pas à s’excuser. Nate laissa sa main parcourir son dos dans une caresse délicate afin de la rassurer. « C’est pas grave. » Non, ce n’avait été qu’une fausse alerte. Rien de grave, donc. « C’est pas grave. » Qu’il ponctua cette fois-ci d’un baiser sur son front, comme souvent. Il était peut-être temps de lui répondre maintenant, Nate. Prenant une longue inspiration, il se lança. Enfin.

« J’ai besoin de temps, Casey. » Toujours, avec lui. Ironique, quand on savait le peu de mois qu’il lui avait fallu pour demander officiellement à la jeune femme d’emménager chez lui. Mais c’était tellement différent, cette histoire. Elle lui parlait d’avoir un enfant. Ce n’était pas rien. Ce n’était pas une décision à prendre à la légère. Pas après un premier échec, après des décisions prises à la va-vite entraînant catastrophe sur catastrophe. Le brun voulait du temps, pour laisser l’idée se faire une place dans son esprit. Qu’il ait le temps de l’envisager sérieusement. En espérant qu’il le soit un jour, prêt. « Il va encore falloir que tu sois patiente avec moi... » Qu’il tenta en un maigre sourire, dans pour plaisanterie bien peu convaincante. Comme si faire référence à leur séparation et à l’aveuglement de Nate était une bonne chose mais… C’était tout ce qu’il avait en stock en cet instant. Un sens de l’humour terriblement maladroit. Se détachant légèrement d’elle, il l’observa puis effleura délicatement l’une de ses joues encore humide de ses larmes pourtant taries. Il la regarda longuement, laissant ses doigts parcourir sa joue précautionneusement, et se demanda comment il pourrait refuser une telle chose à la femme qu’il aimait. Comment ? Il soupira légèrement, ou peut-être que ce n’était qu’une grande expiration marquant une nouvelle étape franchie ce soir dans sa réflexion sur l’avenir. Certainement pas la dernière avant l’acceptation, mais un premier pas non négligeable. « Ça te rendrait heureuse ? » D’avoir un enfant. Mais pas besoin de l’expliciter. Pas besoin de poser la question, d’ailleurs. Mais il avait besoin de l’entendre. Encore. Oui, elle serait heureuse avec un enfant. Encore plus qu’aujourd’hui.

Nate fit la seule chose qu'il pouvait faire, rester silencieux et la consoler du mieux qu'il pouvait. Il ne savait encore rien du trouble qui hantait son cœur. Elle se demandait un peu comment elle avait réussi à lui cacher cela, même pendant quelques jours, mais ça n'avait pas vraiment d'importance. Elle n'avait pas menti, elle n'avait juste rien dit. Ce qui n'était pas tellement mieux en un sens. Mais elle n'allait pas s'en vouloir pour cela, c'était trop tard. Bien sûr, elle avait fini par cracher le morceau, elle ne pouvait pas garder tout cela pour elle plus longtemps. Se doutant quelque peu d'une partie de ses réactions, elle préféra simplement ne rien voir, alors elle garda les yeux baissés durant tout le temps de ses explications. Bien sûr, elle lui avoua vite que c'était une fausse alerte, elle ne voulait pas qu'il se mette à flipper trop intensément. Ce n'était pas le but. Bien sûr, elle s'était rendue compte, après le soulagement total, elle avait ressenti une tristesse intense. Elle le rassura rapidement parce qu'elle savait à quel point avoir un enfant surprise ne serait pas à son goût et elle ne lui ferait jamais quelque chose comme cela. C'était juste le fait qu'elle s'était rendue compte à quel point elle voulait un enfant, un jour. Pas tout de suite, sûrement même pas dans quelques mois, mais elle en voulait un. Et elle se demandait sincèrement si c'était le cas de cet homme qu'elle aimait de tout son cœur. Pourrait-elle abandonner cet espoir pour lui ? Aujourd'hui, elle n'en était pas certaine. Mais elle refusait d'y penser.

Et elle continua de le rassurer, parce qu'elle le connaissait suffisamment pour savoir que tout ça le ferait flipper. Oh oui, elle savait à quel point son passé avec Hesther et Joyce l'avait marqué et elle ne lui ferait revivre ça pour rien au monde. Bien sûr, ce n'était pas la faute d'Hesther et ils avaient pris tous les deux la décision de garder cet enfant, pour la suite, c'était une toute autre histoire. Vu que le silence continuait, elle lui parla de sa fille, parce que oui, il était un bon père… elle le croyait au fond de son cœur. Un sourire léger, une caresse, elle lui confirma encore une fois ce qu'elle pensait. Il était un père incroyable pour sa fille, c'était une certitude absolue. Elle sourit tendrement quand il lui affirma qu'elle était faite pour cela, tout avait l'air tellement facile pour elle. Facile n'était peut-être pas le mot exact, mais c'était vrai qu'elle avait une certaine facilité avec les enfants, elle les adorait et ils le lui rendaient bien. Il lui avait dit cela, évidemment, mais il n'avait pas répondu à son interrogation la plus importante et il ne le ferait peut-être pas. Le fait qu'il lui affirma qu'ils étaient deux pour traverser ce genre d'épreuve et qu'elle ne devait pas avoir peur de ses réactions la fit sourire doucement, elle en était rassurée. Ce n'était pas tant la peur qui l'avait fait se taire, parce qu'elle n'avait pas peur de lui. Mais elle devait avouer que parfois ses réactions intenses la rendaient nerveuses et pour ce genre de choses… elle se doutait qu'il flipperait d'où son silence. Mais elle lui fit une promesse, importante pour lui, importante pour elle, celle de ne plus rien lui cacher de cette manière. Quand ça ne va pas, elle le lui dirait. Il avait raison, c'était important qu'ils communiquent et si elle ne donnait pas le bon exemple… qui le ferait ? Sûrement pas lui, il était pas du genre à parler ouvertement de ce qu'il ressentait.

Elle se blottit entre ses bras parce qu'elle s'y sentait bien et rassurée. Elle laissa un peu de temps passer, elle finit de se calmer et elle espérait que lui aussi. Elle finit par s'excuser de lui avoir fait peur. Il affirma que ce n'était pas grave. Elle lui sourit doucement quand il posa un baiser sur son front. Qu'est-ce qu'elle pouvait aimer cet homme. Elle l'observa un instant tandis qu'il prit une grande inspiration. Et puis il se lança finalement. Il avait besoin de temps. Ça ne l'étonnait pas vraiment. C'était Nate, il avait pris des décisions rapidement pour Joyce et ce n'avait pas été idéal, pour personne. Aujourd'hui, cette situation était réglée aussi bien qu'ils le pouvaient, mais elle le faisait encore souffrir, évidemment. Elle lui sourit, tendre. Bien sûre qu'elle serait patiente avec lui, que pouvait-elle faire d'autre ? Elle l'aimait. Il s'éloigna un peu et puis caressa sa joue délicatement. Est-ce que ça la rendrait heureuse ? Elle prit le temps de la réflexion. "Oui, je crois." Elle caressa sa joue à son tour. "Je rêve d'avoir un enfant, alors oui. Mais je ne veux pas faire un enfant pour en faire un. J'aimerais lui offrir un foyer stable, quelque chose que je n'ai pas eu. Et toi non plus, dans un sens. Et ce, avec toi." Elle se rendait compte qu'elle ne se voyait pas avec quelqu'un d'autre. Elle allait prononcé des mots difficiles pour elle mais qui était on ne peut plus vrai, elle ne pouvait pas aller contre cela, c'était comme ça. "Quoi qu'il arrive, on est deux dans cette décision. Si… si tu veux vraiment pas d'autres enfants, nous n'en aurons pas." Certes, cela la rendrait triste, mais elle avait l'impression de pouvoir l'accepter. Du moins, elle l'espérait vraiment. Parce qu'elle l'aimait. Tout simplement. Ce n'était pas quelque chose de facile à dire pour elle, mais elle le pensait.

Elle lui sourit et revint entre ses bras pour se rassurer, pour se dire également qu'elle faisait le bon choix. Mais elle le pensait. Elle voulait passer sa vie avec cet homme qui savait si bien la rendre heureuse. Et s'il ne voulait jamais avoir d'enfants, elle aurait au moins Joyce à qui elle pourrait offrir tout l'amour qu'elle avait en elle. Elle ne le mettrait jamais au pied du mur ou à le menacer pour avoir un enfant, ce n'était pas ce qu'elle voulait ni pour elle, ni pour un éventuel enfant à venir. C'était important qu'un bout de chou vienne dans un environnement sain et stable, c'était du moins son avis. Elle n'en avait pas connu, pas vraiment, tout ce dont elle se rappelait c'était les cris dans sa maison qui n'avaient jamais cessé. Elle s'échappait d'ailleurs dès qu'elle le pouvait. Et puis il y avait eu le divorce, elle avait espéré que les choses se passent mieux après cela, mais non. L'un et l'autre continuait à se hurler dessus dès qu'ils se voyaient et puis tentaient de monter Casey contre l'un et l'autre. Ce n'était pas agréable et ce n'était pas pour rien qu'elle les voyait très peu. Elle se détacha et vint l'embrasser avec douceur avant de lui sourire. "Je t'aime Nate." Elle lui sourit tendrement. "Tu te rends pas compte à quel point je me sens mieux." Elle aurait dû en parler avant, elle en était consciente aujourd'hui, mais ça lui avait également permis de réfléchir plus longuement à la situation. Ce qui n'était pas une mauvaise chose. Elle avait pourtant trop attendu, c'était une certitude.