Un hiver et presque pas de neige, cette année était étrange. C'était un peu triste d'ailleurs, elle avait hâte de la première grosse grosse tempête de l'hiver où elle pourrait rester au coin du feu à regarder la neige tomber. Mais celle-ci ne s'était pas encore décidée à tomber sérieusement. Dommage. Le froid, par contre, était bel et bien là. Allongée dans son lit chez Grace, elle pensa à ces trois derniers mois. Elle avait un peu l'impression de vivre un rêve éveillé… Un réveillon de Noël parfait en compagnie de Nate puis le matin de Noël en compagnie de Nate et de sa fille. Ces deux jours avaient été extrêmement chargé en émotion, elle ne pouvait le nier. Le premier "je t'aime" prononcé par Nate… Bon, il ne l'avait pas vraiment redit depuis, elle si, mais elle ne le lui disait pas tous les jours non plus. De temps à autre, pour l'étonner ou quand elle en avait vraiment envie. Après Noël… Nouvel An évidemment. Ils étaient sortis manger un morceau et puis avait été écouter quelques morceaux au club de jazz. Ils rentrèrent tôt d'ailleurs, Casey avait eu envie d'être à la maison pour fêter l'arrivée de la nouvelle année… pour partager en amoureux une coupe de champagne et la fête qui suivrait sans doute possible, dans leur chambre à coucher. Elle ne put s'empêcher de sourire un peu plus largement en frissonnant légèrement. Cet homme la rendait positivement dingue. Se penchant sur le côté, elle attrapa son trousseau de clé et l'observa un moment. Il y avait la clé de chez Nate, de chez eux, en quelques sortes. Pas encore tout à fait, mais ça viendrait.

Prenant une décision soudaine, elle se leva, mis quelques affaires dans un sac et puis texta son amie pour lui dire qu'elle ne serait pas là, ni cet après-midi, ni ce soir. Ses affaires lancées dans sa voiture, elle se rendit au supermarché sachant pertinemment que Nate n'aurait pas ce qu'il fallait. Suivant la recette de Grace, celle qu'elle avait apprise à faire, elle acheta tout ce qu'il fallait. Elle préparerait des lasagnes pour ce soir, pour Nate. Toute excitée, elle se rendit donc chez lui pour investir la cuisine, elle se gara dans la rue plutôt que devant la maison, histoire de tenter de lui faire une surprise. Il y avait certaines choses qu'elle pouvait préparer en avance et surtout prendre son temps. Oh oui, elle allait passer toute la journée en cuisine, mais quelle importance ? Cela l'amusait. Et puis Nate serait enfin forcé à goûter à sa cuisine, pas si catastrophique quand il s'agissait de lasagne. Une fois tous les ingrédients non nécessaires de suite furent mis au frigo, elle posa son mp3 sur la base faite pour et lança de la soul, elle était d'humeur festive. Elle se lança dans la bolognese, première étape. Elle sortit tout ce dont elle aurait besoin, vin rouge, oignons, carottes, la viande, la sauce tomate, de l'huile et du sel et du poivre évidemment. Elle était à fond dedans. Coupant les oignons puis les carottes. Elle farina la viande et puis lança la cuisson des oignons avant d'y ajouter la viande. Elle avait tout préparé, sinon il était certain qu'elle oublierait quelque chose ou alors qu'elle finisse par cramer un truc, trop lente à couper les carottes par exemple. La recette sous les yeux, elle la suivit attentivement pour ne pas se gourrer.

Et puis elle entendit la porte s'ouvrir puis se refermer. Nate. Elle sourit largement. Elle était si heureuse de le retrouver comme toujours. Bien sûr, elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendait. La viande devait cuire un bon moment, elle baissa le feu et après s'être essuyée les mains sur son tablier, elle fit les quelques pas qui séparait la cuisine de l'entrée. Elle vit Nate de dos et s'approcha pour l'enlacer. Elle n'avait pas encore vu son visage… si elle l'avait vu, elle ne se serait certainement pas approchée autant et ne l'aurait pas touché. Mais voilà, elle n'avait rien vu et elle ne savait pas où elle venait de mettre les pieds…

Things gonna turn nasty...

Casey & Nate (CHEZ NATE | Jan 2019)

A quoi avait-il pensé ? Franchement. A quoi ? Quel imbécile il pouvait faire quand il s’y mettait. Se lancer dans une telle confrontation tout en sachant qu’il ne pouvait que perdre contre un tel individu… D’ailleurs, ce n’était pas la question. Perdre ou remporter ce conflit, qu’est-ce qu’il s’en moquait ! (Faux.) Le problème était qu’il avait réussi à faire ressortir le pire chez Nate. Sa colère. Son extrême colère. Cette envie de tout détruire sur son passage sans se soucier des conséquences. Oh, cet aspect de sa personnalité ne lui avait pas manque ces derniers mois. Absolument pas. En compagnie de Casey et de sa fille, il n’avait pas eu le temps de penser à tout ça. Pas trop, en tout cas. Pas assez pour le mettre hors de lui, pour qu’il sente son sang bouillonner dans ses veine. Comme en cet instant. Il avait passé tout le chemin du retour à ruminer, à insulter tous ceux qui pouvaient bien lui passer à l’esprit. Tout le monde en prenait pour son grade. Tout le monde. Par chance, il ne croisa personne sur sa route. Personne pour subir la furie du professeur qui ne faisait que croître avec le nombre de ses pas. Vivement qu’il soit seul, chez lui, et puisse se calmer au fil de la journée pendant laquelle il ferait en sorte de ne voir personne. Surtout pas Casey qu’il ne voulait pas témoin d’un tel regard. Et encore moins victime de ses mots.

Obnubilé par sa rencontre, il ne fit pas attention à la voiture de la jeune femme garée dans la rue. Pas devant chez lui, sans doute pour lui faire une surprise. Elle aurait peut-être dû, pour éviter la catastrophe qui allait suivre. Il entra chez lui sans se poser de question. Sans se rendre compte non plus de l’odeur qui embaumait la maison. Il était incapable de remarquer quoi que ce soit lorsqu’il avait ce regard irascible, ce visage fermé et cet esprit embrouillé. Noyé de colère. Il n’avait donc rien entendu, rien soupçonné jusqu’à sentir des bras l’enlacer. Oh non Casey, pas maintenant. Il évita un sursaut à son contact mais se défit immédiatement de son emprise avant de se tourner vers elle. C’était trop tard, elle avait tout vu maintenant. Il croisa son regard un court instant avant de décider de s’enfuir. La meilleure solution. L’unique solution. « J’ai plein de travail. » Quel beau mensonge. D’un air tout aussi sympathique, il ne s’arrêta pas là. « Tu ferais mieux de passer la journée ailleurs. » Sans une seule considération pour sa potentielle réponse, il laissa son manteau dans l’entrée et fila dans son bureau pour s’y enfermer. Il fallait bien rendre le mensonge crédible. Mais, surtout, il avait envie d’être seul. Qu’elle ne voit pas un éclat de colère supplémentaire dans son regard. Qu’elle n’ait pas à subir l’emportement qui allait se déclarer d’une seconde à l’autre.

Installé à son bureau, enfin seul, il passa ses mains sur son visage. Pitié, qu’elle parte. Il soupira lourdement, les yeux fermés, puis reprit momentanément ses esprits. La chaleur, son tablier, l’odeur qui s'invitait à travers l'infime espace laissé par la porte à peine entrouverte. Et merde. Il fallait que ça tombe le jour où elle lui faisait une surprise. Encore pire, la première fois qu’elle utilisait cette clé amoureusement offerte. Non, non, non. Il ne pouvait pas rester là et l’abandonner à ses quelques mots prononcés. Mais il ne pouvait pas la rejoindre et risquer d’en sortir d’encore pire. C’était catastrophique, dans les deux cas.

Ravie et étonnée qu'il soit de retour si tôt, elle sortit tout de suite de la cuisine pour venir l'enlacer par derrière vu qu'il ne lui faisait pas face. Elle allait poser un baiser dans son dos quand il se dégagea de son étreinte pour se tourner vers elle. En voyant ses yeux, son visage… elle fit un pas en arrière, réflexe de protection qu'elle n'avait pas pu éviter. Il était presque effrayant. Elle voyait la colère exhumer de lui par vague nocive, il lui faisait peur, un peu. Ses mots furent brutaux, il avait du travail et elle ferait mieux de passer la journée ailleurs. Figée, elle n'eut rien le temps de répondre qu'il était déjà loin. Elle entendit la porte du bureau claquer, ce qui la fit sursauter. Portant sa main à son cœur, elle regarda la porte de son bureau un instant avant de se diriger mécaniquement vers la cuisine. Elle éteignit son mp3 et le rangea dans son sac. Elle sortit la viande qui était juste cuite comme il fallait et la versa dans un contenant qu'elle mit au frigo. Ses gestes étaient mécaniques, encore sonnée par l'attitude de Nate. Elle éteignit tous les feux, rangea la sauce tomate et le reste. Et puis elle prit son sac et se dirigea vers l'entrée avant de s'arrêter net.

Non. Elle n'allait pas juste partir comme cela. Elle posa son sac dans l'entrée et fit demi-tour. Cette attitude qu'il avait eu avec elle n'était pas correcte, loin de là. Elle n'avait rien fait pour mériter de se faire traiter comme cela. Elle voulait bien qu'il ait passé une sale matinée et qu'il soit en colère, mais il n'avait pas besoin de tout lui balancer au visage. Merde. Tout allait bien entre eux depuis leur retrouvaille, elle avait même découvert un côté romantique à Nate, côté qu'elle avait ignoré exister jusqu'à cette fameuse soirée de Noël. Et puis lors de leur retrouvaille, ils s'étaient en quelque sorte fait une promesse, celle de plus communiquer. Il ne s'en sortirait donc pas par la fuite et l'enfermement dans son bureau ! Elle le refusait. Et tant pis si elle devait s'en prendre plein le visage, elle saurait se défendre. Et ce, même si elle était effrayée par ce regard qu'elle avait vu chez Nate.

Convaincue de faire le bon choix, tout en sachant pertinemment que ça ne tournerait certainement pas pour le mieux. Elle s'avança au pas de charge en direction du bureau de son homme. Elle l'aimait, grincheux ou pas. Elle allait lui montrer, à ce goujat, de quoi elle était faite. Il en avait eu un aperçu du fait qu'elle pouvait se mettre en colère, alors qu'elle tombait au fond d'un trou sans fond, elle avait eu des mots durs pour lui dans cette pièce vide de l'université. C'était là qu'elle avait appris qu'il avait une fille et malgré sa colère, elle avait compris les raisons qui l'avait en quelque sorte, empêcher d'en parler. Elle ouvrit la porte du bureau d'un coup sec et puis vint se mettre en face de lui, de l'autre côté de son bureau, debout et les mains sur les hanches, cela n'annonçait pas grand-chose de bon pour Nate. Le truc, c'est qu'elle avait vu sa colère, elle avait une idée approximative du degré que cela impliquait… mais avait-elle les chiffres justes ? Ce n'était pas sûre. Il était si doué en général, pour cacher la moitié de ce qu'il ressentait… mais si elle devenait douée à deviner ce qu'il ne voulait pas montrer. "Je viens ici pour te faire une surprise et cuisiner pour toi et c'est comme ça que je me fais jeter. Franchement… je serais pas tellement fière à ta place. Maintenant… qu'est-ce qui se passe ? Je vois bien que tu es fou de rage, mais j'ai rien fait pour, alors crache moi pas ta haine au visage…" Malgré la colère qui pouvait se lire sur son visage et s'entendre dans sa voix, elle resta Casey et elle s'inquiétait pour lui… elle ressentait de l'empathie sans même savoir ce qui c'était passé pour le mettre dans cet état. Elle voulait le faire sortir de cette colère noire tout en sachant qu'elle en serait sûrement la cible. Elle espérait y être prête, au moins en partie où elle allait finir en charpie sous les mots acérés de son amant.

Nate n’eut même pas le temps de profiter de la quiétude de sa maison qu’il se retrouva assailli par Casey et ses bras qui l’entourèrent. Brusquement, le professeur se défit de cette ébauche d’étreinte et se tourna pour faire face à la jeune femme. A peine une seconde, et c’était déjà de trop. Elle avait croisé son regard, elle y avait vu la colère grandissante qui devait sans nul doute lui donner un air effrayant. Oui, effrayant, puisque la blonde eut un mouvement de recul en le découvrant. Plus tard, il aurait honte de cette rencontre brutale. Elle avait peur de lui, clairement. Elle avait peur de ce qu’il serait capable de faire, comme s’il pouvait être violent avec elle… Il s’en voudrait, terriblement, mais pas en cet instant. Non, il était trop aveuglé par son humeur exécrable et ses démons qui lui criaient de se laisser aller à cette colère. Pourtant, il se battait contre eux et fit tout ce qu’il pouvait pour éviter un désastre avec Casey.

Oh non, il n’avait pas été délicat en l’invitant à rentrer chez elle. Pire que ça. Il avait été celui qu’il s’était promis de ne plus jamais être. Cet individu empli d’un excès de haine sur laquelle il n’avait aucun contrôle. L’excès n’était pas gênant lorsqu’il engendrait d’autres choses que la jeune femme appréciait mais… Cet excès-là, nul besoin d’être un génie pour savoir qu’elle ne le supporterait pas. Que leur couple ne le supporterait pas. Alors il s’était dérobé à la situation, il avait fui à nouveau pour s’assurer de ne pas faire la bêtise de trop. Pas après tous les bons moments qu’ils avaient passés ensemble. Il avait filé dans son bureau, toujours avec la même délicatesse, avant de se poser à son bureau. Oh non, ça ne l’aidait pas à se calmer. Rien ne l’aiderait. Il lui fallait juste du temps, seul, et les choses finiraient par se tasser. Comme toujours. Jusqu’au moment où il exploserait… Est-ce que ce serait mieux ? Non. Est-ce qu’il comptait fonctionner ainsi ? Bien sûr.

N’entendant aucun bruit et ne voyant pas la porte s’ouvrir, Nate supposa que Casey avait décidé de le laisser tranquille. Pourtant, ça non plus ne l’aida pas à se calmer. Il redevenait prisonnier de ses propres émotions, ce qui l’empêcha de comprendre ce qui était sur le point de lui arriver. La porte s’ouvrit brusquement et laissa apparaître une Casey bien différente de celle qu’il connaissait. Il leva la tête, tant pis si elle découvrait toute l’ampleur de sa colère. Elle l’avait voulu en s’invitant dans son bureau. Puis, une fois installée en face de lui, elle lui déballa tout ce qu’elle avait à dire. Avec raison. Nate avait été un parfait connard en la traitant ainsi en arrivant, il le savait très bien. Enfin, il le saurait quand il pourrait y réfléchir clairement. Et le problème était là. Parce qu’il allait encore l’être, ce parfait connard. Une fois sa tirade à moitié écoutée terminée, le silence gagna le bureau. Un terrible silence qui était pourtant préférable à la suite. Nate finit par lâcher un furtif rire presque méprisant, condescendant. « Te cracher ma haine au visage ? » Il avait été sympathique jusque là, dans l’entrée. Oh oui, elle s’en rendrait compte. Il décida de se lever, pour ne pas lui laisser l’avantage de la hauteur. C’était toujours dans les détails avec lui. « T’as aucune idée de quoi tu parles, Casey. » Pourquoi fallait-il toujours qu’il prenne cet air arrogant quand tout dérapait ? Pourquoi fallait-il toujours diminuer l’autre pour qu’il se sente… même pas mieux, non, juste… qu’il ait l’impression d’avoir raison ? Stop, Nate. Immédiatement. Il finit par faire volte face et tourner le dos à la jeune femme avant de sortir encore pire. « J’ai pas envie de parler. »  Ça, au moins, c’était la vérité. Bien que froide et désagréable. Il n’avait juste pas envie de parler, et il se disait que si Casey le connaissait aussi bien qu’elle le prétendait, elle le comprendrait et se tairait. Il s’appuya contre son bureau, toujours dos à elle. Non, il n’avait pas envie de parler. Pas maintenant. « Pas maintenant... » Il commençait à se rendre compte de la situation, à ouvrir les yeux sur son comportement abject. Ils ne pouvaient pas s’engueuler à cause de ça, non. Pas maintenant.

Alors qu'elle se préparait à partir, elle décida de changer de direction, alors elle posa ses affaires et se rendit à son bureau plutôt que de partir. Au pas de charge même alors qu'elle savait pertinemment se jeter dans la gueule d'un fauve affamé. Mais tant pis. C'était fini l'époque où ils ne communiquaient plus, une promesse était une promesse. S'il lui avait demandé de le laisser tranquille un moment, elle l'aurait fait, mais il était hors de question qu'elle le laisse la traiter comme ça. Purement et simplement hors de question. Elle avait peur de ce qui pourrait se passer, oui, mais elle ne doutait pas un seul instant que jamais il ne lèverait la main sur elle. Bien sûr, les mots pouvaient parfois être pire, mais elle tentait le coup. Il était de toute façon trop tard pour reculer, elle venait d'entrer dans son bureau bien décidée à le confronter à son imbécilité. Elle le confronta d'ailleurs brutalement tout en se rendant compte qu'elle était plus en colère que ce qu'elle avait pensé en débarquant dans son bureau. Ça risquait d'être explosif. Et puis elle était triste, triste qu'il ne puisse lui parler et qu'il ait sans cesse ce besoin de se cacher d'elle… elle était également convaincue que derrière une colère aussi aveugle, il y avait autre chose, une souffrance qu'il ne voulait montrer.

Elle avait vu la rage dans ses yeux avant même de commencer à parler, mais elle lui balança tout au visage quand même. Ce n'était pas correct la façon dont il l'avait traitée et elle ne comptait pas juste tout lui laisser passer. Aucune réponse, un silence pesant s'installa autour d'eux. Et puis la guerre s'ouvrit. Le rire et l'air méprisant sur son visage était bien pire que la colère pure… oh oui, elle l'avait déjà vu cet air-là… à l'université et puis un peu moins lors de son arrestation, mais elle l'avait vu également. Ça faisait un mal de chien qu'il la regarde comme ça, comme si elle n'était rien, juste un moucheron qui l'empêchait de faire ce qu'il voulait. La douleur était viscérale et elle eut envie de fuir pour ne pas entendre ce qu'il dirait, pour ne pas avoir à subir sa colère froide. Mais elle avait pris son courage à deux mains et elle ne comptait pas le laisser s'en sortir comme cela. Elle pouvait lui tenir tête, elle le devait. Qu'il sorte enfin toute cette haine qu'il avait en lui et qui, elle en était sûre, le bouffait à petit feu. Il avait été si doux ces trois derniers mois, elle peinait à reconnaître l'homme qu'elle aimait et pourtant c'était bien lui.

Pourtant, elle tiendrait bon. Elle le devait. Pour le salut de leur relation. Et même si pour cela, elle devrait finir en miettes. Aucune idée de quoi elle parlait, évidemment, Nate était le seul à tout savoir… pas envie de parler, ça, elle voulait bien le croire. Il en montrait tous les signes. Mais se laisser bouffer par la rage, ça ne pouvait être bon. Et elle pensait à lui, bien plus qu'à elle-même en cet instant. Il lui tournait le dos et elle serra les dents pour ne pas soupirer et ne pas montrer de signes de faiblesse. Parce que pour le moment, c'était facile de le cacher surtout qu'il ne verrait certainement rien à sa détresse tant il était centré sur lui-même et sur sa colère. "Si c'est pas maintenant, ça sera jamais." Observant son dos un instant, elle soupira. "Et regarde-moi quand je te parle…" Elle secoua la tête. "Et à vrai dire, je me fous de ce que tu veux là. Pour une fois tu vas me dire ce que t'as sur le cœur, tu as promis de ne pas t'enfermer à nouveau… et au premier truc qui se passe, tu fais quoi… exactement ça. Je partirais pas Nate, tu peux toujours courir. Il faudra me foutre dehors." Pourrait-il le faire ? Elle ne le pensait pas. Il ne lèverait pas la main sur elle. Par contre, elle s'attendait au pire quand même et elle était prête à tout prendre au visage, du moins en était-elle pour le moment convaincue.

Claquer la porte de la sorte était absolument ridicule et puéril. Comme si cela allait régler ses problèmes de colère, cette situation peu glorieuse qui pouvait encore empirer. Et bien sûr qu’elle allait empirer, parce que Nate n’était pas capable d’apprendre de ses erreurs. Enfin, il l’était quand il avait les idées claires mais… Tout devenait si confus lorsque la haine prenait le dessus. Exactement comme en cet instant où le brun n’avait plus aucune notion du bien et du mal. Il y avait juste lui, sa colère et l’envie de la laisser éclater au grand jour. Rien d’autre. Même pas Casey, la femme qu’il aimait. Non. Elle devenait presque inexistante dans ce petit monde d’excès qu’il se créait à chaque fois que quelque chose lui déplaisait. Et c’était sans doute mieux comme ça puisqu’il n’y aurait sans doute place que pour une victime sur laquelle il pourrait déverser tout son venin. Cette place n’était pas pour elle, jamais. Cette place était pour d’autres. Pour Fynn. Pour Shelby. Pour ce fichu facteur qui ne savait pas ce que vie privée signifiait. Manque de chance, ils n’étaient pas là. Non, c’était plutôt une grande chance s’il ne voulait pas que Casey soit en plus témoin d’une tentative de meurtre.

S’attendant à ce qu’elle exécute sa demande (ou plutôt son ordre), Nate n’avait pas imaginé que la jeune femme serait capable de débarquer dans son bureau et de le confronter. Oh, elle avait bien raison de ne pas se laisser marcher sur les pieds ainsi. Et même si ça énervait le brun sur le moment, il finirait bien par être satisfait de sa réaction un jour. En espérant que la dispute ne dégénère pas en grand n’importe quoi et l’en empêche. Ce qui commença d’ailleurs à la réaction du jeune homme. Un rire clairement inapproprié suivi de paroles si peu agréables. Il ne voyait pas ses réactions, il ne voyait plus rien. Jusqu’à ce moment où la prise de conscience était sur le point d’apparaître, sans doute trop lentement. Non, il ne voulait pas parler de tout ça. Puis il finit par lui tourner le dos. Un premier aveu de ses torts. Il serait capable de lui faire face, de la regarder dans les yeux et de lui crier dessus sans remord s’il avait été certain d’être dans son droit. Mais voilà, au fond, il savait qu’il ne l’était pas.

Et voilà qu’elle repartait à la charge. Ça ne serait jamais, exactement. Jamais Nate ne voulait parler de ce qui pouvait le mettre dans ce genre de colère. Jamais. Avouer qu’il avait des failles ? Jamais. Elle avait choisi de fréquenter l’arrogance, qu’elle en paie le prix. Et elle semblait vouloir l’élever grandement, ce prix, en continuant de la sorte. Elle se permettait de soupirer ? De lui dire ce qu’il devait faire ? D’affirmer qu’elle se fichait de ce qu’il voulait ? Qu’est-ce qu’elle foutait là alors ? Il bouillonnait de colère et se retenait de lui hurler dessus. Des promesses. Comme si ça valait quelque chose avec Nate… Toujours de dos, il répliqua. « J’ai promis... » Et encore ce léger rire condescendant, bien que légèrement marqué de regret. Oui, il avait promis. Mais elle croyait vraiment le changer avec une simple promesse ? Il finit par se relever et lui faire face, à nouveau, en se rapprochant d’elle. « Tu veux pas entendre ce que j’ai à dire, crois-moi. » L’air condescendant était parti, il n’y avait que froideur. Vide. Non, elle n’avait pas envie d’entendre la haine de Nate. C’était encore bien pire que de la voir. Il plongea son regard noir dans le sien avant d’ajouter : « Laisse-moi seul, avant de le regretter. » Etait-ce une menace ? Non, un avertissement. Casey savait de quoi il était capable lorsqu’il était dans cet état, elle en avait déjà eu un aperçu. Mais elle n’avait jamais atteint ce point de non retour qu’il sentait approcher. Il continua de la fixer, espérant que son regard froid la fasse fuir avant que la douleur ne l’envahisse. A moins qu’elle n’ait déjà commencé. Et qu’un éclair de souffrance ait parcouru son regard pour la supplier de ne surtout pas l’écouter.

Oh oui, elle avait débarqué dans son bureau et elle ne comptait pas le quitter avant d'avoir eu des explications. Casey était en général très arrangeante avec les gens, leur laissant leur espace quand ils en avaient besoin. Mais là, là, c'était différent. Nate était l'homme qui l'aimait et il ressentait la même chose pour elle, il le lui avait dit. Alors elle refusait de le lancer s'embourber dans la haine comme cela. Elle l'avait vu dans un état un peu similaire et après l'avoir vu au bord de l'eau, cette fameuse soirée où ils s'étaient retrouvés, elle savait qu'il en souffrait. Alors, non, elle ne le laisserait pas comme ça. De plus, il n'avait aucune raison valable de la traiter comme cela alors il allait cracher ce qu'il avait sur le cœur, paroles de Casey Connors. Et tant pis si ça ne lui plaisait pas et tant pis si elle en souffrait. C'était le jeu. C'était la vie. Ce rire condescendant, elle le haïssait, comme si elle n'avait aucune importance pour lui, c'était ça qu'il lui faisait ressentir en cet instant. Cette haine, il la reportait sur la seule personne qui était en son contact. Quand il lui tourna le dos, elle sut qu'il se cachait derrière cette haine, cette colère sans fin. Il se laissait aller volontairement, en quelque sorte, dans ce lac sombre pour ne plus ressentir ce qu'il ne voulait pas laisser sortir. Et puis, c'était fini.

Elle repartit à la charge parce que c'était tout ce qu'elle pouvait faire. Le pousser à bout pour qu'il s'ouvre enfin. Pour que cet abcès se perce et déverse son fiel. Oh elle en serait victime, évidemment. Elle se foutait de ce qu'il voulait et pour une fois, c'était vrai. Enfin pas tout à fait vu qu'elle était là pour lui, mais elle ne lui obéirait pas, elle ne partirait pas. Elle ne quitterait pas cette maison qui était censé devenir leur chez eux quand elle y serait prête. Elle ne serait pas faible. Elle lui balança sa promesse au visage et sa réponse la fit frissonner, elle fut heureuse qu'il ne voit pas ce qu'elle ressentait en cet instant. La douleur était vive. Sa promesse avait été un point important pour elle, mais pour lui également, elle le savait. Même si c'était souvent difficile, même si elle lui avait laissé beaucoup de secrets sans chercher à les connaître, il l'avait faite. Et une promesse se tenait.

Selon lui, elle ne voudrait pas entendre ce qu'il avait à dire. Elle n'en doutait pas vraiment, mais ce n'était pas le point important. Il se répétait, il voulait qu'elle le laisse seule avant de le regretter. La froideur extrême de son regard était difficile à tenir, mais elle le fit. Essayant de se vider la tête, même si elle était sûre qu'il ne lirait aucun de ses sentiments sur son visage ou dans ses yeux. Il était bien trop obnubilé par lui-même. "Non." Un simple mot qui voulait tout dire. Non, elle ne partirait pas. Non, elle ne le fuirait pas. Et non, elle n'avait pas peur de ce monstre qu'il était devenu. Enfin si un peu, mais elle ne l'avouerait pour rien au monde. Elle vit passer un voile devant les yeux de son amant et y reconnut quelque chose qu'elle n'avait pas vu souvent chez lui, la souffrance vive d'une âme perdue. Elle aurait tellement voulu pouvoir le réconcilier avec cette part sombre de lui-même, le rassurer et le ramener vers la lumière. Mais elle ne pourrait pas. Pas avec ce qu'il exultait en ce moment. Il avait besoin d'une soupape de sécurité et bien même si elle n'avait pas spécialement envie de se prendre tout ce qu'il avait à dire, elle resterait. Campée sur ses deux jambes, elle l'observa longuement. "Je ne partirais pas, il en est hors de question. Alors autant que tu craches le morceau maintenant." Elle ne quitterait pas ses positions, elle camperait dans ce bureau, dans cette maison le temps nécessaire. Elle était prête à se battre. Au sens figuré, évidemment.

La voir débarquer de la sorte dans son bureau l’exaspérait et le soulageait à la fois. Elle n’avait pas pris peur en le voyant perdu dans sa colère, elle avait même eu le courage de venir le confronter pour qu’il parle, qu’il arrête de s’enfermer ainsi dès qu’il ne savait que faire des ses émotions. Ou peut-être l’imprudence de venir le voir. Dans ces moments, le brun pouvait être absolument incontrôlable. Oh, jamais il ne portrait la main sur elle, jamais il ne serait violent. Pas dans les gestes en tout cas. Mais Nate était encore plus doué pour blesser avec ses mots et ne tenait pas à lui infliger la même chose que lors de leurs rencontres estivales. Encore moins ce qu’il avait infligé à Hesther et Fynn après la prise d’otage. Ça allait être compliqué, très compliqué. Mais il devait faire en sorte que ça fonctionne, pas vrai ? Il devait, pour une fois, se contrôler, se taire, et tout irait pour le mieux. C’était ça ou perdre Casey. Pas le choix.

Léger problème. Casey ne voulait pas qu’il reste silencieux. Elle l’agressait à coups de provocation, lui rappelant ses promesses, ses belles promesses de faire mieux pour elle. De parler, de communiquer, de ne plus rien laisser s’immiscer entre eux. Elle avait pris ce chemin, au lieu de celui de la compassion, et elle commençait à payer le prix de ce choix. La condescendance de Nate prenait le pas, toutes les manières étaient bonnes pour la rabaisser et lui donner un air supérieur. Sa façon à lui d’évacuer sa colère, de se sentir mieux. De se sentir lui. Mais elle n’avait toujours pas compris que les provocations n’étaient pas la bonne solution. Il fulminait, s’énervait de plus en plus. Le coeur battant à tout rompre, il sentait chaque éclair de colère frapper à chaque fois qu’elle s’exprimait. Pourquoi s’entêtait-elle à le bousculer de la sorte ? Pourquoi ? Il n’avait qu’envie de lui crier de se taire et de lui foutre la paix.

Non. Il lui avait donné un dernier avertissement en lui faisant face à nouveau. Non. Elle ne l’écoutait pas. Elle n’en faisait qu’à sa tête. Qu’est-ce qu’elle pouvait être butée quand elle s’y mettait, qu’il se disait. Ironique. Elle voulait tout entendre ? Soit. Nate soupira avant de lui donner ce qu’elle voulait. Et qu’elle ne s’en plaigne pas plus tard. « J’en ai marre de cette ville ! » Et voilà la colère qui commençait à éclater. Casey n’était pas au bout de ses peines. « De quel droit il me parle comme ça ce connard, à s’occuper des affaires des autres ?! » Première étape, évoquer cet imbécile qu’il avait croisé et qui avait déclenché cette rage par son attitude, son discours. Le catalyseur. « Je le supporte plus. » Deuxième étape, passer au frère coupable de tous les maux. Tous. Même ceux dont il ne connaissait pas encore l’existence. Bon courage pour suivre le fil de sa colère avec ces attaques aléatoires. « De les savoir ensemble, maintenant ou à n’importe quel moment. » Troisième étape, préciser le fond de sa pensée. Commencer à préciser le fond de sa pensée. Et le reste n’allait pas lui plaire à Casey. « Ça me dégoûte. De l’imaginer la toucher comme... » Comme il l’avait touchée. Oh, non, ça n’allait pas lui plaire. Est-ce qu’il était en pleine crise de jalousie ? Lui ne le voyait pas de ce point de vue. Il ne voyait qu’un frère blessé dans son ego, dans ses principes. Un frère qui les jugeait incompatibles à cause de ses liens avec chacun d’eux. Casey, c’était sans doute une autre histoire… « Ils vont tous croire que c’est lui, son père ! » Dernière étape, la triste vérité. Ce qui le faisait souffrir, terriblement. Le véritable coeur du problème. Sa fille. Ce frère qui finirait par lui dérober un jour ou l’autre. Et cette douleur qui commençait à se substituer à la haine fraternelle.

Malgré tout ce qu'elle pouvait montrer et le fait qu'elle s'entête à vouloir savoir ce qui lui arrivait, ce qui avait engendré cette colère absolue, elle avait peur. Peur de ce qu'il pourrait dire, peur du mal qu'il pourrait lui faire… pourtant, elle tentait de le cacher aussi bien que possible, elle devait être forte, elle devait l'empêcher de s'enfermer, de se noyer dans ce côté sombre qu'il possédait. Il gérait mal ses émotions, ça, elle le savait déjà, mais à ce point ? C'était tout de même une surprise. Campée dans ce bureau, bien droite, prête à en découdre, elle attendait qu'il réagisse, qu'il se mette enfin à parler. Il l'avertit une dernière fois en lui intimant de partir, ce qu'elle refusa purement et simplement. Oh non, elle ne partirait pas. Il avait besoin de sortir tout ce qu'il avait sur le cœur pour que ça ne pourrisse pas en lui, que ça ne pourrisse pas leur relation. Des mots, on pouvait guérir. Du silence absolu, c'était moins sûr. Elle voyait que sa présence et le fait qu'elle le provoquait afin qu'il parle n'était peut-être pas la solution idéale. Mais elle ne pouvait pas juste le prendre dans ses bras et tenter de le calmer par ses caresses et ses baisers… il la repousserait, comme il l'avait repoussée quand elle l'avait enlacée en bas. Elle ferait office de soupape de sécurité même si elle risquait d'y perdre des plumes.

Le pire qu'elle avait vu pour le moment, c'était cet air condescendant sur son visage. Oh Seigneur, qu'elle détestait cet air. Oui, elle savait que Nate était un homme très sûr de lui, très fier et très arrogant. Il ne l'était pas avec elle, enfin si fier et sûr de lui, mais jamais arrogant. Sauf durant ces quelques mois de séparation brutale après la prise d'otage. S'il avait pu la mettre dehors, il l'aurait certainement fait. Enfin, physiquement, Casey ne ferait jamais le poids face à lui, il le pouvait donc facilement. Mais elle avait su tout de suite qu'il ne le ferait jamais, comme elle savait que même en étant fou de rage, jamais il ne lèverait la main sur elle. Et puis il ouvrit la bouche pour en déverser sa rage. Marre de cette ville. Un connard qui s'occupait des affaires des autres lui avait mal parlé. Il ne le supportait plus. Deux personnes ensemble qui le dégoutait lorsqu'il imaginait cet homme toucher une femme, du moins, c'est ce qu'elle imaginait. Jaloux ? Était-ce de la jalousie ? Une pointe de douleur lui traversa la poitrine et elle serra les dents. Et il parla finalement de sa fille, que tout le monde croirait que c'était son père, lui.

Il fallait avouer qu'elle n'y avait pas compris grand-chose. Enfin, elle avait capté que c'était en rapport avec son ex, Hesther, parce qu'il devait parler de son nouveau mec et ça lui posait problème qu'elle se remette en couple. Elle ne comprenait pas pourquoi, il lui semblait pourtant qu'il avait tourné la page… Ressentait-il toujours quelque chose pour elle ? Cela la fit frissonner d'horreur. Elle se rappelait avoir vu Hesther avec un homme lors de la prise d'otage, enfin avant, mais elle ne savait rien de lui alors comment aurait-elle pu deviner qu'il s'agissait en fait du frère de Nate. Ses mots lancés en vrac aurait sûrement fait plus de sens si elle connaissait ce détail. La seule chose qu'elle voyait pour le moment, c'est qu'il avait certainement encore des sentiments pour cette femme, ce qui donnait comme résultat qu'elle ne l'aimait soudain plus trop… "Personne ne pourra te voler ta fille. Elle te ressemble comme deux gouttes d'eau et elle t'adore." Et à vrai dire, elle imaginait mal Hesther tenter de trouver un père pour Joyce, elle avait son papa. "Je pensais que t'étais passé à autre chose…" Et oui, c'était ce qui l'avait le plus marqué dans cette discussion à sens unique… et ça faisait mal. "Déjà, c'est qui ce mec qui t'as mis hors de toi ?" Elle avait sacrément envie de lui mettre une ou deux paires de gifles à celui-là.

La dispute était lancée. La première vraie dispute de leur relation qui fonctionnait si bien jusque là. Trop bien, sans doute, pour que ça dure. Il avait fallu d’une simple rencontre stupide, fortuite, pour que Nate laisse place au monstre qui s’emparait de lui à chaque fois que la colère prenait place. Pire encore, quand elle l’envahissait. Et là, c’était absolument le cas. Lui parler de son frère et de sa relation avec la mère de sa fille, c’était l’explosion assurée. Est-ce que l’autre le savait en lui sortant ça en pleine figure ? Peut-être pas, mais nul besoin d’être un surdoué pour savoir qu’un homme aussi arrogant que Nate ne pouvait concevoir et encore moins accepter une telle relation. Jamais. Même avec le temps, il ne voulait pas en entendre parler, qu’on lui suggère quoi que ce soit à ce sujet. Rien du tout. Il préférait encore être dans l’ignorance, faire comme si tout ça n’existait pas. Être dans le déni. Parfaitement.

Pour une première, Nate y était allé sans retenue. Sa colère, sa condescendance, son arrogance. Casey avait droit à toute la panoplie de ses plus grandes qualités. Même à ce rire désagréable qu’il échappait quand il avait envie de se moquer ouvertement de l’autre. De son incompréhension, son manque de lucidité. Oserait-il penser de son inutilité ? Peut-être. Et malheureusement, l’autre, dans ce cas, était Casey. Celle qui ne comprenait pas, qui ne voyait pas qu’elle avait faux sur toute la ligne. La colère du brun lui criait presque de partir avant de regretter et d’avoir à subir son courroux. Mais elle avait voulu entendre ce qu’il avait sur le coeur, tout ce qu’il avait sur le coeur. Oh elle le regretterait plus tard, peut-être même instantanément mais… elle l’avait demandé, après tout. Alors Nate avait commencé à déversé son venin sur elle, à évoquer tout ce qui le mettait dans cet état. D’abord cette ville de malheur qu’il aurait dû fuir depuis déjà bien longtemps. Comme tous ses habitants d’ailleurs. Puis ce postier et ce frère qu’il exécrait au plus haut point. Malgré les mois.

Toute cette haine était sans doute un charabia sans nom pour tout novice concernant le cas Nate, mais Casey ferait bien le lien. Pas vrai ? De toute façon, il s’en moquait largement qu’elle comprenne ou non. Il avait juste besoin de le dire, de tout sortir, tant pis si ça ne voulait rien dire. Tant pis si elle n’était pas fichu de réfléchir un instant à ses paroles. Toujours aveugle à ses réactions, il n’accepta pas ses réponses. Elle ne comprenait rien. Personne ne le comprenait jamais. « Réfléchis un peu... il lui ressemble aussi ! » Elle le faisait exprès ou quoi ? Nate et son frère se ressemblaient énormément, alors forcément qu’il ressemblait lui aussi à Joyce ! Encore pire, il portait le même nom qu’elle. N’importe quel imbécile serait en droit de le confondre pour son père. Et Casey qui pensait qu’il était passé à autre chose. Non, clairement, elle n’écoutait rien et ne réfléchissait pas. Forcément, elle ne pouvait pas comprendre, elle, qui n’avait ni sœur ni enfant. « Comment tu veux que je passe à autre chose ?! » Nate, lui, aimerait tellement avoir une réponse à cette question pour ne plus avoir à vivre ses accès de colère. Qu’il puisse retrouver son frère qui lui manquait tant. « Il y a toujours quelque chose pour me le rappeler ! » Une photographie, un souvenir, un cauchemar… Toujours. Il se surprenait même parfois à le voir dans le miroir quand il observait ses traits ou son regard si marqués par les gênes de la famille. Ça ne lui était plus arrivé depuis longtemps, d’où la difficulté de supporter l’éclair de lucidité. Ils étaient ensemble, encore et toujours. « Je passe ma vie à essayer de l’éviter et quand j’y arrive il faut qu’un putain de postier me le remette en pleine figure ?! » Oh, dans quelle sorte de quiproquo était-il en train de s’enfoncer en laissant croire qu’il était jaloux de son frère et aimait encore la mère de sa fille…