what the hell ?!

Oscar & Nate (Willow Street | Janvier 2019)

Après des mois sans en avoir entendu parler, Nate s’était imaginé que cette histoire était derrière lui. Derrière eux. Que son passé commun avec Hesther, celui qui l’avait fait fuir, entre autre, s’était éclipsé pour de bon maintenant qu’ils résidaient dans le Vermont. Grossière erreur. Il y avait eu ces lettres, ces appels… Beaucoup d’angoisse. Et maintenant, cet imbécile qui se mêlait de ce qui ne le regardait pas ? Comme s’ils avaient besoin de ça en ces instants déjà difficiles à vivre. Surtout Hesther qui craignait de perdre tout ce qu’elle avait si un mal intentionné s’amusait à jouer avec ses secrets et principalement son changement d’identité qu’elle avait jusque là réussi à garder secret pour tous. A peu près tous. C’était toujours mieux que si la Rose Lunaire était derrière tout ça… Enfin, elle ne l’était pas, pas vrai ?

Quelques jours après avoir appris la nouvelle, celle de l’existence de cet indiscret par Hesther, Nate traînait dans le centre pour parcourir quelques boutiques dans la matinée. Pour prendre l’air aussi, tout simplement. Il adorait profiter de la fraîcheur hivernale et des premiers flocons avant de finir bloquer n’importe où par une étendue immense de neige. Pourtant, ce n’était pas la seule raison. Il espérait aussi tomber sur ce fameux facteur qui se permettait d’ouvrir le courrier des autres et d’en faire part aux propriétaires pour… Pour quoi d’ailleurs ? Faire du chantage ? Ou par pur plaisir d’embêter les autres ? Et encore, Nate était poli en pensant ce genre de choses. Au fond, il pensait surtout que ce facteur n’était qu’un emmerdeur de première dans le meilleur des cas. Un complice de l’ex-mari d’Hesther dans le pire. Lequel préférait-il affronter ? Hm… aucun des deux, à vrai dire. Parce que Nate savait qu’il allait finir par s’emporter lors de cette confrontation, et ce n’était jamais bon pour lui, pour l’autre. Pour personne.

Nate vagabondait dans la rue et était sur le chemin du retour, déçu de ne pas avoir croisé l’individu qu’il souhaitait, lorsqu’il le vit enfin prêt d’une boîte aux lettres. A fouiller dans les documents. Pour les déposer, pour faire le curieux. Aucune importance, l’exaspération de Nate était déjà bien aiguisée. Prête à faire des siennes. Espérons surtout qu’il tombe sur le bon facteur et ne passe pas pour le pire idiot du village. Il s’avança, déterminé, pour se retrouver juste à côté de lui. Il avait bien la tête d’un facteur s’occupant de ce qui ne le regardait pas. Sans le saluer, sans se présenter, il lança les hostilités. « Alors, comme ça on regarde le courrier des autres ? » Ouais, bon, Nate, ce n’était sans doute pas la meilleure façon d’entamer la discussion avec le concerné. C’était plutôt un appel au conflit avec celui qui devait sans doute être prêt à tout s’il était capable de ce qu’Hesther lui avait raconté. Croisons les doigts pour qu’il ne soit pas aussi exécrable que Nate dans ses mauvais jours.

Ce qu'il a prévu pour la journée ? Rien de véritablement établi encore, bien qu'il doit toujours s'acquitter de son service matinal auprès des boîtes aux lettres de ses voisins. Mais quel trouble ou curiosité a-t-il décidé de causer ou satisfaire dans un même temps ? C'est encore à définir, lorsqu'il patiente pour que l'inspiration le frappe en sifflotant. Et voilà trois courriers d'enfourner dans la boîte aux lettres de la vieille Baker, avant d'en revenir à son vélo pour enchaîner sur la suite. C'est qu'Oscar a davantage l'habitude de chercher les ennuis de sa propre initiative, plutôt que de voir d'autres l'accoster et jouer les trouble-fêtes ; alors forcément qu'il est à l'affût de la moindre opportunité pour se distraire. Cependant ce matin-là, c'est bel et bien lui qui se retrouve interpellé et non l'inverse. Instantanément son sourcil droit se dresse de curiosité, quand celui d'après il hasarde un bref coup d’œil sur l'inconnu. Il prend néanmoins le soin de re-concentrer aussitôt son attention sur ces lettres qu'il trie, tout en daignant finalement répondre à ce dernier.
- Oui, c'est un peu ce pour quoi je suis payé. Faut dire que la distribution des courriers se ferait un peu au petit bonheur la chance autrement. Et le disant, il porte alors un de ces derniers sous son nez avant de tapoter sur le rectangle réservé à l'adresse, comme s'il avait besoin de s'illustrer de la sorte pour être certain que ses mots se retrouvent à hauteur de compréhension de l'inconnu. Du même ton (prétendument) égal, il se fait ainsi à nouveau entendre, tout en se concentrant toujours sur le tri de sa cargaison qu'il enfourne à présent dans la boîte aux lettres. Jusqu'à preuve du contraire je ne suis pas devin, Monsieur ... ? Mais s'il lui pose cette question, il n'attend pas sur place pour sa réponse, et fait plutôt avancer son vélo en direction de la boîte aux lettres suivante. Il escompte certainement que celui-ci va suivre sa trace, s'il est celui qui a tenu à l'aborder. Car oui, il n'a pas non plus la clairvoyance de deviner l'identité de son (hostile ?) interlocuteur, et c'est dommage parce qu'une quelconque information est toujours précieuse à détenir. Surtout que s'il le savait, il réaliserait bien vite qu'il connaît au moins l'individu de nom – et se ravirait d'autant plus de faire enfin sa rencontre. Mais à défaut, le voilà plutôt qui concentre à nouveau son œil sur ces courriers. Quoique... oui, il accorde malgré tout un peu plus d'attention verbale à son trouble-fête tout compte fait. Et si vous disiez franchement ce pour quoi vous êtes là, hm ? Puisqu'il y a forcément une raison qui l'a poussé à l'interpeller de la sorte, non ? Est-ce qu'il a seulement cru le voir prêter trop d'attention à ces lettres ? Ou est-ce qu'il est l'équivalent de ces roquets, incapable de retenir leurs aboiements à la vue du facteur ? Qui sait, peut-être que de lâcher un bon coup le fond de votre pensée soulagera cet air constipé. C'est vrai qu'à attarder plus d'une seconde son œil sur l'inconnu cette fois-ci, ce dernier lui donne la première impression d'avoir grandement besoin de se détendre. Mais là aussi, son instinct semble lui dire que ce n'est pas le genre de la maison. Pas grave, il pourra toujours s'en amuser seul, si lui n'est pas prompt à se dérider un peu le front. Pourquoi se gâcher le plaisir, quand l'autre a décidé de se prendre la tête ?

Nate faisait sans nul doute une énorme erreur en s’attaquant au facteur qui perturbait la vie d’Hesther mais il refusait de laisser passer une telle chose. Qu’on fouille dans son courrier ? Qu’on la menace de dévoiler ses petits secrets ? Hors de question. Il n’y avait peut-être plus rien entre lui et cette femme, mais le professeur ne pouvait s’empêcher de vouloir la protéger de ce passé qu’il n’avait pas su gérer à l’époque. Et puis, elle restait la mère de sa fille. Ce statut uniquement lui apportait toute l’attention du brun qui avait sa façon à lui de faire partie de sa vie. Bref, ce n’était pas le moment de penser à cette relation dysfonctionnelle. Il fallait plutôt gérer ce trublion qui à la fois surprenait et ne surprenait pas le professeur. Désinvolture. Un premier défaut que Nate n’appréciait pas. Mais qu’on le prenne pour un idiot… Cela donnait le ton de la conversation. Le brun leva les yeux au ciel. C’était donc ce genre de guignol qui s’occupait des affaires des autres. La belle affaire. L’autre lui tendit une lettre pour appuyer ses propos et en rajouta une couche. Parce qu’il pensait avoir le droit à une présentation en plus ? Nate soupira, agacé. Il aurait dû se douter qu’il s’attaquait à un tel individu avec ce que son ex lui avait dit…

Et voilà qu’il avançait déjà sans prendre le temps de converser avec lui. La politesse ? Apparemment, c’était un concept inconnu. Bon, peut-être de Nate aussi. On ne pouvait pas dire qu’il avait été particulièrement délicat dans son approche. « Ne jouez pas à l’idiot. » Qu’il lui sortit alors qu’il le rejoignit près de la boîte aux lettres suivante. C’est alors que l’autre répliqua. Toujours aussi sympathique. Tant pis, il apprendrait que Nate pouvait être tout aussi agréable, que son air lui plaise ou non. Surtout quand on le titillait de la sorte. Espérons pour tous qu’il n’aille pas au-delà. « Vous savez très bien pourquoi je suis là. » Après ce qu’il avait fait à Hesther et leur confrontation, il serait un imbécile s’il n’était pas capable de faire le lien. A vrai dire, Nate apprécierait qu’il le soit pour pouvoir se jouer de lui. Mais le cas semblait plus coriace. Terriblement plus coriace. « Je ne pense pas qu’ouvrir le courrier des habitants fasse partie de vos obligations. A moins que vous soyez assez stupide pour ne pas réussir à lire l’adresse sur l’enveloppe...? » Il fallait bien le rabaisser un peu pour lui faire payer son affront de plus tôt. Et, soyons honnêtes, c’était toujours un plaisir pour Nate de dénigrer ceux qui le gênaient. « Alors je vous conseille fortement de ne plus vous mêler de la vie d’Hesther si vous tenez à votre boulot. » Le menacer de porter plainte officiellement, que ce soit au poste ou directement à son travail… Bien sûr qu’il en serait capable. Aucun sourire, juste son regard noir sur lui pour qu’il saisisse que ses paroles n’étaient pas un simple avertissement.

- C'est pourtant ce que je fais de mieux ! Jouer à l'idiot. J'ai bien peur que les conneries et moi soient indissociables... mais je ne te retiens pas. À vrai dire, il n'est pas même celui des deux qui a provoqué cet échange. Un fait assez rare pour le noter, lorsque la prochaine fois ce pourra tout aussi bien être l'énergumène Kidd qui joue les chewing-gums collés à la chaussure de... l'inconnu qui ne s'est toujours pas présenté. Hm... désolé de briser les idées que tu te fais, mais non je ne sais pas pourquoi tu me suis à la trace. C'est qu'en la matière, il a bien trop d'âneries récentes à son actif pour déterminer aussitôt celle qui a pu déranger le brun en particulier. Donc à défaut, le voici qui en revient à le prendre au mot et jouer les idiots. Oui c'est tout à fait ça : je suis stupide ! Alors maintenant que c'est établi, tu comptes vraiment t'en prendre à un simple d'esprit ? Son nouvel ami a été prévenu au moins ? Qu'il a une réponse – connerie – à faire entendre pour tout ? Ce dernier prononce en tout cas un mot clé, qui lui permet enfin de savoir ce que lui vaut l'honneur de cette rencontre. Il en vient ainsi à mettre plus encore sa distribution de courriers entre parenthèses, pour concentrer sa seule attention sur l'inconnu. Hesther ? C'est donc d'elle dont il s'agit ? Voilà un seul prénom qui lui suffit dorénavant pour se faire une idée de l'identité de son interlocuteur. D'ailleurs se rend-il seulement compte que c'est précisément ce qu'il fait, le menacer, qui lui donne l'exacte envie de passer à l'action ? Vraiment con, pour le coup. Mais pour l'heure, il y a autre chose qui chatouille le fond de sa gorge et le distrait momentanément de cette révélation : un éclat de rires.
- Parce que tu crois vraiment que je tiens à mon boulot ? Je suis facteur, pas manager. Et il rit de plus belle, forcément. Rire qui finit néanmoins par ne plus se faire entendre – bien que cela ne signifie pas pour autant, lorsqu'il reprend posément la parole, qu'il décide enfin de donner dans le sérieux. Mais bon, si tu me le conseilles très très fortement... je veux bien envisager de trembler un peu des genoux. Forcément, il fallait bien qu'il en vienne à tourner en dérision les mots adressés à son égard. Et si un seul doute subsiste sur la véritable nature de sa réponse, la suivante, elle, se fait entendre sans sens caché et sans détour. Tu sais, je joue peut-être à l'idiot, mais si tu crois vraiment que ta petite intervention va provoquer autre chose que ce que tu cherchais exactement à éviter, t'es encore plus con que moi ! N'est-ce-pas ce qu'il y a de plus irrépressiblement tentant après tout, que de s'illustrer dans ce qu'il lui est précisément proscrit ? Oscar provoque à tout va pour sûr, mais ce qu'il apprécie le plus est quand la provocation se fait entendre à son adresse, car voilà aussitôt de quoi s'occuper et se distraire dans l'exact opposé de ce qui lui est fortement conseillé. Alors si ce n'est que le début d'un nouveau jeu, autant penser à faire les présentations. Fynn, je présume ? Parce qu'il n'y a bien que son petit copain pour monter ainsi au créneau, non ? Dès lors se pose une autre question : Hesther sait-elle seulement qu'il est là, à la reléguer au rang de dam'selle en détresse, incapable de prendre sa propre défense ?

L’incendier. Voilà ce que Nate avait envie de faire à présent. A peine quelques minutes, et cet individu s’était déjà dans toute sa splendeur. Le parfait petit con. Le pire, dans l’histoire, était qu’il avait une répartie excellente et trouvait un moyen de détourner chaque mot du professeur pour l’agacer davantage. C’était réussi. Bien trop réussi. Nate fulminait. Deux solutions s’offraient alors à lui. L’anéantir sur place ou trouver un moyen de s’échapper avant. Problème. Hors de question de fuir et de le laisser remporter l’échange. Hors de question de le détruire (ou au moins tenter) et de risquer de perdre bien plus s’il décidait de porter plainte. Le brun était donc bloqué. Condamné à devoir gérer l’énergumène jusqu’à avoir fait passer son message. « Un simple d’esprit… T’es juste stupide, ne les insulte pas en te comparant à eux. »  Il copia le tutoiement de son interlocuteur. Pourquoi faire un effort de politesse quand lui ne recevait rien à part des moqueries à peine voilées ? Le voir éclater de rire devant lui le met encore plus en rage. Et en plus il se foutait de lui ouvertement ? C’était décidé. Nate se débrouillerait pour trouver une preuve de son espionnage pour le faire renvoyer. Qu’il tienne à son boulot ou pas ne changeait rien. Le professeur se sentirait bien mieux de lui avoir rendu la monnaie de sa pièce. Et puis, s’il se levait chaque matin pour travailler, il devait bien y tenir un minimum. Au moins à son salaire. « Peut-être pas, mais c’est un boulot à ton niveau sans doute. » Insulter les facteurs au passage, pas très intelligent Nate. Oh, vu le niveau de la conversation, il n’était plus à ça près.

L’autre continuait à se moquer, librement. Comment se faisait-il que Nate n’ait pas encore explosé. Ah oui, cette main courante déjà déposée contre lui par l’autre Shelby. Une deuxième, et il risquait gros. Dommage. Il fallait donc tout tenter par les mots en tentant de ne pas trop montrer son exaspération. Lever les yeux au ciel, non. Hausser les sourcils pour lui signifier que ce n’était qu’un imbécile, oui. Et, comme pour tous les imbéciles, il fallait répéter mille fois la même chose avant que ça ne rentre dans leur esprit si étroit. « T’as aucune idée dans quoi tu mets les pieds. Je ne serai pas le pire que tu auras à croiser si tu continues. Mais si tu veux faire le con… Je t’en pire. On verra qui se foutra de l’autre après. » Bon, clairement, ça ne ferait pas rire Nate si l’ex-mari d’Hesther débarquait et commençait à battre ceux qui s’en approchaient. Mais il ne pouvait nier qu’il esquisserait sans doute un sourire en sachant qu’un tel idiot avait eu à subir sa colère. Bref. La suite ne le fit pas rire du temps, bien qu’il laissa échapper un léger rire méprisant. Et un peu agacé. « Raté ! Mauvais frère… Il va falloir apprendre à espionner les gens un peu mieux. » Comment avait-il fait pour garder son calme en entendant ça ? en sortant ça ? Etre confondu avec cet imbécile, c’était encore pire que d’être pris pour un idiot. Même si, au fond, il n’y avait pas grande différence. Il fallait bien garder la face.

- Qui insulte qui maintenant ? Idiot, stupide... que des adjectifs décidément flatteurs pour son intellectuel. C'est en tout cas là ce qu'il ne peut s'empêcher de remarquer, lorsqu'il l'accuse à présent d'insulter les simples d'esprit. Que l'inconnu se rassure néanmoins, le facteur n'est pas du genre à se vexer pour un rien heureusement – quand, pour ça, il faudrait encore se prendre au sérieux. Si besoin, l'idiot serait même le premier à se tourner en ridicule, si seulement cela signifie toujours de tromper l'ennui. Pour l'heure cependant, il s'agit davantage des griefs et des ressentiments que le brun semble avoir à son égard... et dire qu'ils viennent tout juste de se rencontrer. Et à présent tu rabaisses mon job par la même occasion ? Désolé d'apprendre qu'être facteur ne remplit pas les conditions pour m'épargner ton mépris, en effet. De quoi lui donner toujours plus l'envie de faire sa connaissance, dans le cas très particulier de l'énergumène Kidd. Car c'est qu'il affiche toujours pas moins qu'un sourire prétendument aimable, quand bien même le contenu de leur conversation n'a rien d'aussi charmant. La preuve, dès lors que son camarade semble à nouveau formuler des menaces : n'a-t-il pas encore compris que ce n'est là que des provocations à braver qu'il fait entendre à l'oreille d'Oscar ? Ce qui est visible à défaut, c'est le rictus au coin de ses lèvres qu'il conforte par de telles paroles. N'est-ce-pas d'autant plus intéressant de ne pas savoir dans quoi il met les pieds justement, et de malgré tout prendre le risque ? Et puis le pire ? Quel serait donc ce pire ? L'inconnu ne manque pas de toujours plus titiller sa curiosité à ce sujet... de quoi lui donner davantage l'envie d'avoir le fin mot de cette histoire.
Et finalement, celui-ci en vient enfin par satisfaire sa curiosité quant à son identité, pour mieux le prendre au dépourvu par la même occasion. Voilà effectivement une supposition avec laquelle il ne jouait pas au con, lorsqu'il présumait faire face au petit-ami de l'avocate Mcfadden. Mais c'est tout compte fait l'ex qui joue les roquets tenaces, et cette révélation ne manque pas d'illuminer son œil d'un intérêt nouveau.
- Oh, autant pour moi... ou tout du moins il le prétend, être confus (trop grossièrement). En tout cas, un instant son hostile interlocuteur lui reproche de se mêler de ce qui ne le regarde pas, pour l'instant d'après le blâmer de ne pas mieux aiguiser sa curiosité à leur sujet : il faudrait savoir. Même si en l'occurrence, Oscar ne s'en plaint pas puisque cela lui donne l'occasion de mettre une identité sur son visage – et de s'en amuser, évidemment. Mais... je peux savoir ce que tu fais là du coup ? Ça serait pas plutôt au frérot de montrer les crocs pour sa bien aimée ? À moins qu'ils ne se partagent les tâches de défenseur de ces dames, en plus des ex ? C'est là la pensée qu'il ne fait pas entendre, pour plutôt en rajouter une couche sur un autre sujet. Enfin je ne comprends pas très bien de quoi il s'agit exactement... Quand est-ce que je l'ai menacé, Hesther ? Il a eu le malheur de lire son courrier et le lui a fait savoir, ça oui, mais a-t-il seulement précisé ses intentions vis-à-vis de ce qu'il y a appris ? Bien qu'il est difficile de présumer de bonnes intentions venant d'un petit con comme lui. Même si, admettons, que c'était mon intention, ta nièce a coupé court à l'échange de toute façon. Tu crois vraiment que j'aurais fait le con devant Joyce ? Et là par contre, c'est bel et bien sciemment qu'il fait erreur sur ce lien de parenté, quand bien même il tente de ne rien en laisser paraître.

Nate échappa un léger rire condescendant en secouant la tête. Il n’avait rien compris, pas vrai ? Insulter l’autre ne le dérangeait pas, mais insulter des innocents qui n’avaient rien demandé… Les simples d’esprit avaient bien plus de valeurs et de savoir-vivre que celui placé en face de lui. Pour le reste, il était vrai que la remarque du brun concernant son travail n’avait pas été très délicate. Mais c’était bien ce qu’il méritait pour payer ce comportement immature. Pour payer l’affront de lui tenir tête aussi aisément. Tant pis pour les autres facteurs qui ne valaient pas ces insultes. « Content de savoir que je t’aurais appris quelque chose alors. » Pour une fois, il trouva de quoi entrer dans son jeu et devenir aussi cinglant que lui. Nate préféra balayer tout le reste et ne plus s’en faire. Les sympathies et menaces continuèrent à flots dans la conversation avant que l’autre fasse sa première erreur. Fynn ? Raté. Dans l’agacement ambiant, Nate ne réagit pas de façon catastrophique. Pas encore. Il resta mesuré et trouva même à plaisanter. Amèrement, tout de même. La fausse confusion du facteur ne fit cependant que remuer le couteau dans la plaine, sans parler de la suite. Sa bien-aimée… Ugh. Nate avait été d’une stupidité en évoquant son frère, c’était la porte ouverte à tous les sous-entendus possibles sur cette relation qui lui déplaisait toujours autant. Il fit de son mieux pour ne rien laisser paraître, mais c’était sans doute trop tard. « Peut-être parce que c’est entre moi et Hesther  et qu’il n’a rien à faire avec ça ? » Ou plutôt parce que son frère n’avait jamais eu le cran de faire ce qu’il fallait. Non. Monsieur préférait voyager à travers le pays et réapparaître une fois par an avant de décider de bousiller la vie des autres. Mais aussi parce qu’il s’en fichait royalement de cet individu. Peut-être avait-il eu le même projet que son frère, confronter le facteur, mais Nate avait été plus rapide. Et voilà qu’il pensait à lui. Qu’il se comparait à lui. La colère commençait à monter dangereusement. Beaucoup trop. Son regard devenait noir, reflet de cette obscurité qui ne le quittait jamais. Un trait physique, certes, mais bien plus. Presque carnassier. Un vautour prêt à mettre en pièces ce qu’il resterait du facteur s’il trouvait comment l’anéantir. S’il pouvait, l’anéantir.  

Et il recommençait à faire l’idiot. À sous-entendre qu’il ne l’avait pas menacé. Lire le courrier, ça ne suffisait pas à mettre en danger la vie privée de quelqu’un ? Imbécile. Mais ce n’était pas le pire. Oh non, le trublion avait encore bien trop de cartouches à vider. Malheureusement pour le contrôle de Nate qui s’effritait à chaque mot prononcé. Sa nièce ? Qu’est-ce que Violett venait faire dans l’histoire maintenant ? Est-ce que Fynn avait été présent aussi ? Non, impossible. Sinon il n’aurait jamais confondu les deux frères. Puis il entendit le prénom. Joyce. Joyce, sa nièce. « Ma nièce ?! » Il soupira, terriblement agacé. Méprisant. Son coeur commençait à battre bien trop fort, ses pensées à se perdre dans ses pires cauchemars. Nate fit un pas en avant pour le surplomber davantage de sa haute taille et le menacer sans retenue. « Sous-entend encore une fois que c’est lui son père et... » Et quoi, Nate ? Tu allais le frapper ? Comme tu avais fait avec Shelby ? Une grande réussite, sans nul doute. Son regard suffisait à exprimer sa pensée. Il l’achèverait sur-le-champ. Pire, il devrait se retenir. Parce qu’avoir une plainte supplémentaire contre lui voulait aussi dire qu’il pouvait tout perdre. Passer pour un homme violent, qui ne valait sans doute pas mieux que l’ex dont il voulait protéger Hesther et sa fille. Il se retint de justesse, sachant qu’il aurait tout de même droit à une réplique de l’autre, mais il ne pouvait pas en dire plus. Il ne pouvait pas. Il préféra alors réagir aux autres mots qu’il avait retenus. « Il y a plutôt intérêt que t’aies pas fait le con devant elle. » Ou c’était le poing assuré, même traitement que Shelby. Tant pis pour le reste. « Si j’entends parler de toi encore une fois, c’est avec les flics que tu devras discuter de ta passion pour la lecture. » Les flics de Redwood Hills, les incapables du Vermont qui avaient arrêté Casey. Comme s’il pouvait attendre du bon travail de leur part. Mais c’était toujours mieux que de menacer de le frapper, chose que Nate ne faisait jamais. Enfin, presque jamais, apparemment.

Tiens, en voilà une bonne : il aura donc quand même réussi à rendre son hostile interlocuteur content ? Lui en tout cas, ne trouve rien de mieux à faire encore une fois, que de tourner en dérision la présente situation ; alors si son camarade est ravi de lui avoir appris quelque chose, lui n'est que l'élève humble dans son ignorance et conscient de sa chance – ou presque.
- Merci pour la leçon, monsieur le professeur. Car s'il est bel et bien le cadet et non l'aîné des O'Reilly, il n'est donc pas le musicien. Pour tout dire, depuis que Nate a rectifié sa méprise sur son identité, il a même son adresse en tête sur Waterfall Avenue... Il reste professionnel après tout : un facteur qui connaît ses adresses, avec le nom des habitants à desservir, à défaut de leur visage imprimé sur ces enveloppes. À ce sujet, peut-être bien qu'il prêterait une attention plus particulière aux courriers de son nouvel ami d'ailleurs, après cette première introduction plus que prometteuse. Et alors que celui-ci écarte son frère de la présente affaire, Oscar lui retourne aussitôt sa formule, afin de pointer de sa voix que lui ne s'est pas gêné non plus pour s'octroyer une place à la table des protagonistes, quand bien même il n'y a pas été invité. Il me semble plutôt que c'était entre Hesther et moi, et que c'est toi qui n'a rien à faire avec ça. Mais peut-il s'attendre à ce qu'il fasse machine arrière à ce sujet ? Ce n'est pas ce qu'il lui demande en tout cas, lorsque l'idiot n'est jamais contre toujours plus de distraction. Et en la matière, il n'a pas encore idée à quel point il peut être servi avec Nate O'Reilly.
Car oui, l'énergumène Kidd semble avoir dit le mot de trop, jusqu'à ne devenir plus qu'une cible à foudroyer pour l’œil du brun. Aïe, quelle grossière méprise de sa part... ce n'est donc pas sa nièce. Cela aurait pu être gênant effectivement, si seulement ça n'avait pas été sa volonté de se tromper ainsi. Son ami le professeur finira bien par lui pardonner d'ainsi jouer au con ? Pas sûr, dès lors qu'il ne suspectait pas que cette erreur volontaire le ferait réagir aussi vivement. Plus que contrarié, il semble même à deux doigts de lui mettre son poing dans la figure, jusqu'à le surplomber de sa hauteur dans son élan. Et lui, tout ce qu'il trouve aussitôt à penser, c'est que si rien que ça suffit à le mettre dans tous ses états, il pourrait certainement s'amuser plus encore à le provoquer à l'avenir. Pour sûr que c'est toujours plus stimulant lorsque son audience lui donne du fil à retordre, mais il ne peut nier n'être que trop friand également d'un bon public ; et celui qui lui fait face est définitivement sensible à ses moindres mots. Mais plutôt qu'un coup porté au visage, le coléreux semble finalement se rabattre sur une menace à laquelle l'idiot ne trouve rien de mieux que de se montrer plus que réceptif.
- Ouiii ? Et... quoi donc ? Il allait lui faire les yeux doux comme il s'y évertue présentement ? Lui en l'occurrence, en serait presque à battre des paupières pour l'inviter à achever sa phrase – quitte à virer avec délice dans le grotesque. Mais il faut croire qu'Oscar restera sur sa faim, alors que celui-ci bat en retraite sur d'autres mots que ceux tant attendus. Et évidemment qu'il n'a pas fait le con devant sa fille, il n'oserait pas tout de même. Il n'oserait pas non plus porter d'accusation, mais quelqu'un lui semble sérieusement avoir besoin de se détendre... seulement ce n'est définitivement pas le facteur qui va l'aider à cette fin. Tu sais c'est une petite ville, t'entendras forcément parler de moi... comme des autres, qu'il ajoute, non sans un rictus en coin. Et il ne tarde alors pas plus longtemps à prétendre en revenir à ses affaires, pour enfin enfourner ces courriers dans la boîte aux lettres qui lui fait face, avant de prendre le chemin de la suivante. Ce n'est pas qu'il s'ennuie, mais il a une tournée à poursuivre et il a le respect du job.

Comment faisait-il pour toujours trouver le mot agaçant ? Nate avait l’impression que, quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, ce ne serait jamais assez pour que cet idiot se taise pour de bon. Et hors de question de se métamorphoser en cet homme exécrable qu’il pouvait parfois être pour lui faire ravaler sa fierté. Hors de question de risquer tant uniquement pour le plaisir d’écraser l’autre en face. Nate s’interdisait ce comportement, surtout depuis qu’il était de retour avec Casey. Hors de question, cette fois-ci, de la décevoir. Ce fut donc avec un large sourire qui masquait un agacement profond que le professeur répliqua. « Avec plaisir. » Tout l’inverse de sa pensée. Quoique, il fallait dire que c’était toujours un plaisir de rabaisser l’autre pour lui, mais il n’en prenait aucune satisfaction en cet instant. Plus maintenant. Puis ils en vinrent à parler de son frère. Un exploit, pour Nate, de ne pas s’être jeté sur l’abject individu qui jouait avec lui pour l’empêcher de dire ne serait-ce qu’un mot supplémentaire. Mais non, il continuait la conversation comme si de rien n’était. Enfin, en essayant. Nul n’avait besoin de connaître Nate pour savoir que son regard était loin d’être celui d’une personne qui ne se souciait pas de tout ce qui se disait. Et voilà qu’il continuait, à répliquer bêtement et se croire intelligent. « Pas quand tu mets le nez dans nos affaires. » Quels courriers avait-il lus ? En réalité, Nate ne savait plus vraiment s’il s’agissait des lettres qu’Hesther soupçonnait venir de son ex-mari, mais bref. Il n’allait pas se laisser démontrer par un tel petit con. Certainement pas. Et tant pis s’il fallait broder sur la vérité.

Le drame presque assuré. Confondre Nate et son frère sur la paternité de Joyce, c’était l’erreur à ne pas commettre. Le professeur n’était pas dupe, il se doutait bien que le trublion ne l’avait sans doute pas faite par hasard, cette erreur. Pas alors qu’il semblait tout connaître des deux O’Reilly qui entouraient la vie d’Hesther. Mais au fond, ce n’était pas le problème. La simple confusion, consciente ou non, mettait le père de la petite dans une rage folle. Tout ce qu’il craignait, voilà que ça lui tombait dessus. Et à cause de ce putain d’imbécile. Avec grandes difficultés, Nate parvint à retenir le poing qu’il mourait d’envie de lui coller en pleine figure et préféra les menaces. Stériles, il s’en doutait. Mais il ne pouvait décemment pas rester planté devant l’autre comme un imbécile et le laisser gagner aussi facilement. Bien sûr, le facteur réclama la suite grotesquement, pour terminer son numéro. Mais Nate ne lui donna pas satisfaction, ne sachant que dire et ne voulant pas lui faire ce plaisir. Une dernière menace, et la rencontre était scellée. Il entendrait parler de lui dans cette petite ville de toute façon… Ça le mettait en rage, parce qu’il ne savait que trop que l’énergumène avait raison. Le brun avait comme l’impression qu’il n’était pas au bout de ses peines.

L’autre retourne à sa distribution de courrier, et cette fois-ci, Nate ne fit rien pour le retenir ou le suivre. Il fulminait. Oh non, il ne valait mieux pas qu’il s’engouffre plus longtemps dans son jeu de provocation. Le professeur devait le laisser à ses conneries, pour éviter de commettre un meurtre en plein jour. Et avec, malheureusement, quelques témoins qui devaient se délecter de la scène à leurs fenêtres. Ce fut donc en pleine fureur qu’il se décida à s’éloigner de l’autre. Un dernier regard assassin. Et la promesse d’une vengeance qu’il préparerait avec une satisfaction malsaine.

rp terminé.